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2008

 

 

Qu'est-ce que JE peux faire?(janvier)
Du rififi chez les frères Moix(février)
Astrid Betancourt reçue par le Nouvel Obs(mars)
Les artistes vont chez les psy(Avril)
Hymne à jacques brel(Mai)
Information sous influence(Juin)
Quand l’art contemporain donne une leçon de démocratie(Septembre)
 

 



 

 

Janvier 2005

Qu'est-ce que JE peux faire?


 Bonjour,

Le " ON " se trompe souvent de question.
La bonne question n'est pas " qu'est-ce qu'ON peut faire ? "
Mais " Qu'est-ce que JE peux faire ? "

Suite au raz de marée, le nombre d'enfants orphelins ou séparés de leur famille, déjà important en Thaïlande et en Indonésie, va augmenter d'une façon impressionnante.
Les ONG font un travail remarquable sur place mais leurs actions seront surtout ciblées vers les populations et la reconstruction économique des pays.

Un des fléaux de ces pays d'Asie est la prostitution infantile.
Les enfants livrés à eux-mêmes sont les premières victimes des proxénètes pédophiles.
J'aimerais agir auprès de ces enfants. Il est toujours possible d'envoyer de l'argent à l'Unicef, comme beaucoup de personnes l'ont déjà fait et c'est vrai qu'il est nécessaire de le faire car cette ONG agit où nous serions incapable d'obtenir le moindre résultat.

L'idée, actuellement, est de créer une association pour aider au financement d'un orphelinat ou d'un centre qui prend en charge les enfants des rues. Une sorte de parrainage pour UN centre choisi..

Comment ? Justement, c'est là où je fais appel à vous !

VOS PLUS GRANDES COMPETENCES SONT VOS CONNAISSANCES !
Penser à ceux que vous connaissez, peut-être que eux connaissent des gens qui connaissent des gens qui.

De mon coté, pour chaque livre vendu, je vais reverser 1 Euro à cette association.
Peut-être pourrions-nous organiser des manifestations (concerts, spectacles, lotos.) en faveur de ces enfants,
Peut-être demander à des artistes de verser une partie de leur recette,
Peut-être faire une sorte de parrainage avec un versement mensuel pour ceux qui le désire.
Peut-être.
Des idées, nous pouvons en trouver !

Donc je fais appel à ceux qui serait intéressés pour cette initiative. Une association, par définition, se fait à plusieurs.
La première chose à faire est de créer cette association.
Les deux priorités :
- Créer le bureau
- Trouver le centre ou l'orphelinat que nous allons soutenir.

Si certains sont motivés pour faire partie du bureau, ou être actifs
Si certains d'entre vous ont des connaissance en Thaïlande ou en Indonésie qui pourraient nous permette de rentrer en relation avec un orphelinat ou un centre qui prend en charge les enfants des rues de parrainage.

Toutes les idées, toutes les initiatives sont bonnes.

" Des millions d'étoiles peuvent éclairer le ciel
Si elles sont séparées
elles n'éclaireront toujours que la nuit
Mais leur luminosité concentrée donnera naissance
AU JOUR !"

Vous pouvez communiquer cette annonce autour de vous.
Merci pour eux.

Voici mes coordonnées si vous avez envie d'agir.

Dan   06.81.49.42.93   
       
dan@surrealiste.org

Février

 

 Biographie de l'auteur
Alexandre Moix est journaliste et réalisateur de documentaires. Dans ce premier roman aux accents autobiographiques, il mêle avec force les mots et les sentiments, et nous fait vivre une histoire poignante sur le bonheur et la douleur d'être " frère de ".

Du rififi chez les frères Moix

 

Comment un antagonisme entre deux frères peut devenir le prétexte à une oeuvre littéraire truculente et haletante, voilà ce qui se passe dans le texte de « Second rôle », le premier roman d’Alexandre Moix. (frère du réalisateur de film PODIUM et écrivain chez Grasset)

Le pitch : Alexandre Stern, un frère cadet nous raconte à la première personne son itinéraire d’un enfant pas gâté par la vie. Persuadé d’être la parent pauvre de sa famille, d’être rejeté par son aîné brillant à qui tout réussi, il sombre jusqu’à être interné dans un hôpital psy. A peine sorti, il vivote dans le précaire, et dans l’ombre de son Frère géant, il accumule les échecs professionnels et affectifs.

Voici l'histoire d'un jeune homme qui n'arrive pas à naître à lui-même et qui vit 10 ans d'incompréhension.

Amoureux fou de la Littérature et du Cinéma, il ne parvient pas à sortir de la spirale d’une existence terne faite d’humiliations et de renoncements.

Pendant ce temps, Gregory Stern a tous les honneurs des médias et de la presse, de la famille et des amis, il triomphe à Paris en tant qu’écrivain et journaliste. Son nom est dans la vitrine des libraires, il passe à la télé et récolte tous les honneurs et cette fameuse Reconnaissance qui est la quête de bien des artistes.

Parcours parallèle et générationnel moderne entre provincialisme et urbanité, Second rôle pourrait devenir la bible du Trentenaire, une sorte de bouquin culte qui redonnerait finalement de l’espoir à tout un groupe qui n’a pas encore eu son mot à dire. Un livre à dévorer jusqu'à la dernière ligne d'un étrange dénouement.

Alexandre Moix par des trouvailles langagières superbes et une vraie générosité de plume nous bluffe avec cette entrée percutante en Littérature.

A lire en famille.
Guy Marchet

 

Second rôle, Alexandre Moix, Editions Carnot. (fevrier 2005)

Mot de l'éditeur
 

" La plus grande distance qui puisse séparer deux êtres, c'est le temps. Ce temps qu'on passe à devenir un autre. "

 

 

Astrid Betancourt reçue par le Nouvel Obs(mars2005)

 

15/03/2005 - Nouvel Obs

Astrid Betancourt, la sœur d'Ingrid Betancourt était récemment l'invitée du journal "Le Nouvel Observateur".

Nouvelobs.com publie les questions qui lui ont été posées par internet, et les réponses d'Astrid :

Votre question comporte plusieurs parties. La première, nous ne critiquons pas la politique générale du président. Il a été élu sur une politique dure concernant la guérilla. Ce que nous critiquons c’est que tout en continuant sa stratégie militaire appuyée par les Etats-Unis contre la guérilla, il n’applique pas le droit humanitaire et n’ouvre pas cette brèche au sein du conflit pour sauver la vie des soldats et des otages politiques. La Convention de Genève, dont la Colombie est signataire, oblige en cas de conflit armé soit avec un autre pays soit interne à établir des échanges humanitaires afin d’humaniser le conflit et de sauver le plus de vies possibles. Concrètement, cela veut dire que les combats peuvent continuer mais qu’une brèche s’ouvre pour que l’échange entre une centaine de guérilleros détenus dans les prisons colombiennes et 59 soldats colombiens puisse se faire. Les Farc ont dit que si cet échange se faisait, ils libéreraient les 25 otages politiques qu’ils détiennent en captivité : Ingrid, Clara Rojas, 20 députés et trois Américains. Le président colombien, selon le DIH, a l’obligation de procéder à cet échange : un conflit armé se caractérise ainsi que l’a défini récemment la ministre des Affaires étrangères suisse comme l’existence de combats au quotidien entre les forces armées colombiennes et le bras armé des Farc qui est composé de 20.000 hommes. Ces combats entraînent des prisonniers et des blessés de part et d’autre. C’est bien là l’esprit du "législateur" de la Convention de Genève : sauver les plus possible de vies humaines.

Deuxième partie. En ce qui concerne les 3.000 séquestrés, on parle de 3.000 séquestrés aux mains des Farc, de l’ELN, des paramilitaires et des groupes de délinquants de droit commun. On attribue généralement 800 aux Farc. Ces kidnappés sont en captivité pour des raisons économiques. Les familles négocient directement avec les ravisseurs les rançons. Beaucoup sont libérés par ce biais là. La seule manière pour tous les libérer serait un accord global de paix entre les Farc et le gouvernement qui entraînerait la démobilisation des Farc et la libération des kidnappés. Comme vous le savez, le gouvernement Uribe alors qu’il négocie avec les groupes paramilitaires de droite n’a pas dans sa ligne de gouvernement l’option d’une négociations de paix avec la guérilla. En ce qui concerne l’action que nous menons, aussi bien en Colombie qu’en France et auprès de la communauté internationale, c’est "grace" à la médiatisation de l’enlèvement d’Ingrid que la communauté internationale a découvert le drame des autres otages en Colombie. Nous nous exprimons toujours au nom d’Ingrid, de Clara Rojas et des autres otages. L’accord humanitaire pour nous, familles des otages politiques, est le seul moyen d’obtenir leur libération. Nous n’avons pas la possibilité d’entrer en contact direct avec les Farc comme peuvent le faire les familles des otages pour des raisons économiques. Je vous précise que Clara Rojas fait partie des otages politiques. Les politologues spécialisés sur la question colombienne pensent qu’en plus de la libération des soldats et des otages politiques, la conclusion d’un accord humanitaire contribuerait à apporter un détente des relations Farc-gouvernement propice à enclencher un début de négociation sur la paix.

Non. Les Farc ne se sont pas exprimés sur cette possibilité. La pratique des Farc par rapport aux opérations militaires de sauvetage, c’est qu’ils attribuent à l’avance à chaque guérillero l’otage qu’il devra exécuter en cas d’approche d’opération militaire de sauvetage. Appuyer sur la gâchette, ça prend une seconde. Peu de chances donc pour qu’il y ait des survivant. Dans les deux semaines qui ont suivi l’enlèvement d’Ingrid des messages ont été captés par des radios militaires donnant l’ordre d’exécuter Ingrid en cas d’opération de sauvetage.

Cf. question précédente. En ce qui concerne le lieu de sa détention, nous avons toujours pensé qu’elle était restée proche de la zone où elle a été détenue autour de Catagena del Chaira. Cela étant, nous avons reçu au cours de ces trois années des informations provenant de personnes civiles, de communautés d’indigènes, de kidnappés libérés pour des raisons économiques, faisant état d’endroits tellement contradictoires que nous n’avons pas aujourd’hui d’idée précise. Néanmoins, nous avons l’espoir de penser que grâce à la mobilisation de la communauté internationale, au fait que les Farc se rendent compte que si quelque chose de fâcheux arrivait à Ingrid -symbole des otages- cela nuirait à leur image de manière irréversible et, eu regard à l’offensive militaire de "l’opération patriote" qui met la vie des otages en danger, nous avons l’espoir de penser qu’ils l’ont mise dans un lieu mieux protégé des combats militaires.

En amont, les Farc ont insisté sur le fait que les négociations doivent avoir lieu sur le territoire colombien. Ils insistent sur la création d’une zone "de sécurité" (démilitarisée) limitée à deux villages : Pradera et Floria, pendant la durée des négociations de l’accord humanitaire et ensuite trois jours pour procéder aux échanges. La France, au cours de la première année de détention d’Ingrid, avait proposé aux Farc à travers l’Eglise justement l’idée que vous mettez en avant : Guyane et un navire français. Cela dit, ces deux idées n’ont pas été proposées de nouveau. Votre question me fait pense que les situations évoluant, pourquoi ne pas remettre ça sur le terrain. Cela suppose supposerait un accompagnement des Farc par la communauté internationale pour garantir leur liberté de mouvement.

Au début de l’enlèvement d’Ingrid, nous avons pu faire parvenir une lettre à ma soeur à travers la Croix Rouge. C’est également la Croix-Rouge qui a réceptionné la première preuve de survie (vidéo) de ma soeur, en août 2003. Par la suite, en réaction au déclenchement de l’"opération patriote", offensive militaire du gouvernement dans les régions où se trouvent les otages, les Farc n’ont plus permis l’action messagère de la Croix-Rouge. Nous avons insisté néanmoins auprès des Farc à travers l’Eglise pour que cette action puisse se rétablir.

Votre question est judicieuse. C’est vrai que dans la région le Brésil et le Venezuela sont des pays très importants pour les relations bilatérales colombiennes et qu’une pression de la part du président Lula et du président Chavez, conjuguée à une pression française étoffée par celle d’autres pays européens, serait déterminante. A Bogota, nous avons pris contact à travers l’ambassadeur du Brésil avec le conseiller politique du président Lula. Le président Lula a d’ailleurs proposé le Brésil comme lieu de rencontre pour la négociation de l’accord humanitaire aux Farc et au gouvernement colombien. Cette proposition était placée également sous l’égide des bons offices des Nations unies. Mais, comme nous l’avons déjà signalé publiquement, le gouvernement colombien n’a pas facilité les moyens aux Nations unies de remplir sa mission de bons offices relativement à l’accord humanitaire et les Nations unies ont retiré leurs bons offices il y a deux mois (je vous rappelle qu’en janvier 2004 le délégué des Nations unies, monsieur James Lemoine muni d’une lettre d’invitation de la part du numéro 2 des Fars, Raoul Reyes, s’est rendu auprès du président Uribe pour avoir son accord pour cette rencontre.

Le président Uribe lui demandé "à quoi bon cette rencontre ?". James Lemoine lui a répondu "mais pour remplir la mission de bons offices en vue de l’établissement d’un accord humanitaire que vous avez confié aux Nations unies le 7 août 2002, jour de votre investiture". Le président Uribe a répondu "nous n’avons pas encore défini ni les termes ni les conditions de cette mission de bons offices". Commentaire : un an et demi après la demande de bons offices, les conditions de la mission de bons offices n’étaient pas déterminées!!! Pour en revenir de manière plus précise à votre question, nous continuons à rechercher une manifestation de solidarité et de la soutien à l’accord humanitaire plus aiguë de la part du président Lula. En ce qui concerne le président Chavez, nous avons eu des contacts avec lui et nous continuons à les avoir et nous avons beaucoup d’espoirs dans les démarches qu’il pourrait entreprendre.

Les deux situations ne sont malheureusement pas comparables. La libération d’Ingrid de Clara Rojas et des autres otages politiques, comme l’ont répété à plusieurs reprises les Farc, n’interviendra qu’après un échange humanitaire. Il n’y a donc pas de place pour une négociation comme celle qui a été faite par les services français pour libérer Christian Chesnot et Georges Malbrunot. L’action de la France ne peut se traduire pour l’instant que sur une pression sur le président Uribe ou sur un accompagnement dans le but de rapprocher les positions divergentes des deux parties concernant les conditions d’un accord humanitaire. En ce qui concerne une opération militaire de sauvetage, vues d’une part les conditions physiques où se trouvent les otages, et en particulier Ingrid, c’est-à-dire la densité impénétrable de la jungle, et d’autre part la pratique des Farc connue par les autorités colombiennes concernant l’exécution immédiate des otages en cas d’opération militaire de sauvetage font qu’une tentative de cette nature ne pourrait qu’aboutir à un fiasco.

En août 2002, lorsque nous nous sommes opposés à cette proposition du gouvernement colombien, c’est grâce à un appel du président Chirac qu’elle n’a pas eu lieu et qu’Ingrid et Clara sont vivantes. En effet, quelques mois après, le gouvernement a réalisé une opération de sauvetage pour tenter de récupérer deux otages politiques kidnappés peu de temps après Ingrid dans une autre région : les deux otages ont été exécutés et lorsque les forces militaires sont arrivés dans les camps des Farc, tous les guérilleros avaient déguerpi. Les chances de réussite sont quasi infimes. Dans le cas d’Ingrid et de Clara (à l’époque l’armée colombienne nous avait dit qu’elles étaient ensemble) si l’opération réussissait, cela aurait constitué un précédent important pour le gouvernement selon lequel la libération est possible par la voie militaire et non la négociation. Si l’opération échouait, le gouvernement colombien se serait débarrassé du boulet de la pression internationale concernant les otages politiques dont Ingrid est devenue le symbole

Je pense que le gouvernement français -le président Chirac, Dominique de Villepin, Michel Barnier, l’ancien ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, Renaud Muselier- ont toujours été à l’écoute et ont agi à plusieurs niveaux.

I- Appui essentiel : bloquer l’action militaire de sauvetage qui allait être menée par le gouvernement colombien en août 2002 (appel direct du président Chirac et coordination de Dominique de Villepin)

II- Appel de la France par Dominique de Villepin lors de son voyage en Colombie pour la préservation de la vie d’Ingrid par les Farc, entre autres sujets abordés. 3- Pendant toute la période où le discours ambigu du gouvernement colombien vis-à-vis de l’accord humanitaire nous a confondu aussi bien nous, familles de kidnappés, que gouvernement français, parcequ’il nous a fait croire à la volonté politique d’Uribe de mettre en place l’accord humanitaire (d’août 2002 à août 2004):

- Parfois le président Uribe opposait une question de principe à l’accord humanitaire : les Farc sont des terroristes. Avec les terroristes on ne négocie pas, on les extermine.

- Parfois, il laissait entrevoir une ouverture : "je serais d’accord avec un accord humanitaire sous trois conditions" : pas de zone démilitarisée, que le guérilleros échangés ne retournent pas à la guerilla, que les guerilleros échangés ne fassent pas partie de ceux condamnés pour crime de lèse-humanité. Ces conditions étaient agrémentées de remarques "populistes" : "on ne peut pas échanger des bons contre des mauvais", "échanger des guerilleros emprisonnés, ce serait humilier l’armée", etc.

- Mais toujours, que ce soit en privé aux familles des kidnappés ou aux différents émissaires du gouvernement français qui ont parlé à leurs homologues du gouvernement colombiens, le message était toujours "oui à l’accord humanitaire mais sous certaines conditions".

- Donc, pour en revenir à l’action de la France à ce moment là, elle s’est attachée :

1- à rappeler de manière régulière l’urgence d’un accord humanitaire en faisant entendre au gouvernement l’applicabilité du droit international humanitaire au sein du conflit colombien.

2- à répondre positivement à tous ce qui pourrait faciliter le rapprochement les positions divergentes concernant les conditions de l’accord humanitaire entre les deux parties. Exemple : la France est prête à accueillir des guérilleros libérés et elle en a parlé à d’autres pays européens qui seraient dans les mêmes dispositions. Elle a proposé comme territoire de négociation un navire français ou la Guyane française. Elle a accompagné la réflexion aussi bien de l’Eglise que des Nations unies dans leurs efforts de médiation entre les deux parties.

3- en novembre 2003, lorsqu’on s’est rendu compte du premier sabotage des démarches de l’Eglise par le gouvernement colombien : avant d’aller voir les Farc, l’Eglise a proposé au gouvernement colombien:

a- de définir la zone "sécurisée" où aurait lieu les négociations avec les Farc.

b- de proposer aux Farc que publiquement leurs prisonniers libérés seraient placés sous la surveillance de l’Eglise. Ceux qui voudraient partir à l’étranger le pourraient. La surveillance sur les autres serait plus ou moins assurée. Cette proposition part du constat que 100 guérilleros de plus ou de moins ne font pas masse critique dans le rapport de forces entre l’armée et les Farc au niveau des combats, mais on peut comprendre que, pour le gouvernement colombien, ce soit une question d’honneur de dire que le guérilleros sont libérés mais placés sous la surveillance de l’Eglise. Le gouvernement colombien a accepté. L’Eglise est donc partie voir les Farc. Les Farc ont défini deux villages comme zone sécurisée pendant la durée de la négociation de l’accord humanitaire et pour procéder aux échanges(démilitarisée : ce qui est très différent de la zone démilitarisée dont parle le gouvernement, une zone représentant deux départements avec un temps illimité la comparant à la zone démilitarisée du processus de paix sous le gouvernement antérieur, zone grande comme la Suisse et ayant subsisté 4 ans). Les Farc ont accepté la proposition concernant les guérilleros, ce qui était une réussite extraordinaire de la part de l’Eglise eu égard au fait que les Farc mettent un point d’honneur à négocier à égalité avec le gouvernement et que se voir conditionner la liberté des guérilleros est un moins pour eux. Ces résultats ont été obtenus en 3 aller et venus de l’Eglise, ce qui a pris trois mois. Et bien, lorsque que l’Eglise est aller dire au président Uribe qu’ils avaient réussi leur objectif, le président Uribe leur a dit qu’il n’était plus d’accord avec la proposition sur les guérilleros. Trois mois d’efforts annulés, la légitimité de l’Eglise comme "médiatrice" vis-à-vis de la guérilla mise en cause.

Donc, à ce moment là, ayant mis au courant la France de ce qu’il s’était passé, ainsi que de notre action de prise de la cathédrale de Bogota dont le but était d’obliger le gouvernement colombien à nommer une négociateur officiel du gouvernement pour qu’il n’est pas la possibilité de se rétracter du terrain gagné lors de négociation mais qui malheureusement n’a pas abouti parce que le président a dit que son seul négociateur était le commissaire colombien pour la paix via internet, la France, action conjointe de Dominique de Villepin et de Nicolas Sarkozy, a contacté la Suisse pour, en accord avec sa mission de neutralité et humanitaire, elle propose au gouvernement colombien la mise en place d’un négociateur suisse. Ce négociateur suisse a rencontré les Farce en juillet 2004. En août, il nous a contacté en nous disant qu’il était sur le point de consolider quelque chose d’important : un geste unilatéral des Farc libérant 2 otages politiques malades et 4 femmes dont Ingrid et Clara. Ce geste exigeait un geste réciproque du gouvernement de libérer 5 guérilleros et que suite à cette détente, les négociateurs des Farc se réuniraient avec les représentants du gouvernement pour négocier les bases d’un accord humanitaire plus large. Mais, coup de théâtre, avant que cela ait pu être consolidé, début septembre 2004 le président Uribe a convoqué une conférence de presse où il a repris les termes de cette négociation en les présentant sous la forme d’une proposition unilatérale de sa part. Ce qui fait échouer l’effort franco-suisse. D’autres exemples de sabotages de la part du gouvernement colombien entre septembre et la fin de l’année. Mais il serait trop long de les expliquer.

4- Depuis cette année, je pense que le gouvernement du président Chirac est tout à fait conscient de la volonté politique inexistante du gouvernement colombien. En février 2005, lors d’une réunion de l’Union européenne, Uribe a dit devant des représentants de 25 Etats qu’il était favorable à l’accord humanitaire?. Nous avons appris que lors d’une conversation téléphonique entre le président Chirac et le président Uribe, le président Chirac lui a dit que puisqu’il était favorable à un accord humanitaire il devait créer les conditions pour que cet accord puisse se faire. Et récemment le ministre Michel Barnier a demandé au gouvernement colombien la création de conditions concrètes pour mettre en place un accord humanitaire. Que peut faire la France, ou qu’est-ce que nous lui demandons? De ne pas lâcher prise et ne pas relâcher la pression, de l’exercer au quotidien, de vérifier par la mise ne place d’une cellule de crise de manière périodique, où en sont les négociations pour la mise en place de l’accord humanitaire. Nous lui demandons également, et elle est d’accord, de chercher à consolider un appui européen dans le même sens grâce à l’expérience européenne de Michel Barnier et au contacts privilégiés du président Chirac avec ses homologues européens. Au Français nous demandons de continuer à s’intéresser au cas d’Ingrid, à continuer à se mobiliser car cela aidera et légitimera d’autant plus l’action de la France qui est notre seul espoir.

La notoriété internationale d’Ingrid a été et demeure toujours la garantie de sa vie. En premier lieu, les Farc avaient dit dans la semaine qui a suivi son enlèvement que si un accord humanitaire n’était pas passé dans un délai de un an, ils feraient ce qu’ils voudraient de la vie d’Ingrid. Face au désintéressement des deux gouvernements qui se sont succédé en Colombie vis-à-vis d’Ingrid, les Farc auraient pu exécuter leur menace à titre d’exemple. Si Ingrid est encore en vie aujourd’hui après trois ans, c’est grâce à la mobilisation internationale : les Farc sont conscientes que leur image auprès de la communauté internationale démolie si quelque chose arrivait à Ingrid.

Par ailleurs, le fait qu’avant l’enlèvement d’Ingrid, on n'ait pas parlé du cas des soldats colombien n’a pas fait pour autant qu’ils aient été libérés. Cela dit, par rapport au gouvernement colombien, et c’est peut-être une explication au refus du président Uribe de mettre en place un accord humanitaire, la notoriété d’Ingrid, non pas comme otage mais comme femme politique, engagée dans un combat contre la corruption, contre l’injustice sociale, pour la récupération d’institutions qui puissent être vraiment qualifiées de démocratiques, dans un contexte pré-électoral (nouvelle élection présidentielle en 2006,) où le président Uribe se représente à un deuxième mandat (il a passé un réforme constitutionnelle pour avoir cette possibilité) et dans un pays où l’emprise de paramilitarisme encouragé par le gouvernement Uribe dénature l’appellation démocratique des institutions colombiennes, on peut penser effectivement que la notoriété est peut-être un handicap pour la libération d’Ingrid.

Avant de prendre congé de vous je voudrais vous rappeler à quel point votre mobilisation est importante pour que ne sombrent pas dans l’oubli et pour la libération, d’Ingrid, de Clara, des autres otages politiques et de Florence Aubenas dont les récentes images nous ont émues.

Avril

 

 

 Exposition Fantasmes, Rêves, Secrets

jusqu'au 30 Mai 2005 en semaine de 14h à 17h

01 44 54 32 00
 SNPPsy, 77 rue des archives, 75003 Paris.

Les artistes vont chez les psy par François Paul-Cavallier

L’artiste n’est pas appelé à faire du beau, si la beauté émerge c’est malgré lui. L’artiste tente de s’exprimer en son nom propre, mais comme tout un chacun, il est avant tout, à son insu, le porte-parole, parfois aussi le précurseur du monde dans lequel il vit. Est-ce un volcan qui éructe du magma dans un fantastique chaos ou un obsessionnel qui tire les lignes régulières de l’art optique comme d’autres ont tiré les lignes de barbelés des camps qui nous enferment encore ?

La beauté émerge de la seule vérité authentique des pulsions qui nous convulsent. Pour cela la beauté n’est pas plaisante, mais elle interpelle les zones d’ombre du montage psychique qui constitue chaque individu. Un artiste qui cherche à faire une beauté plaisante et séduisante se transforme vite en larbin et perd à la fois le rôle et la fonction qu’il s’est assigné. Les fusillés de Goya, l’Origine du monde de Courbet, les centaines de crucifiés ne sont certes pas plaisants, mais ils portent le trouble dont nous avons besoin pour étayer notre imaginaire. Oui l’art c’est d’abord le scandale, l’artiste médiateur de tout ce qui nous fait à la fois horreur et dégoût mais aussi de ce qui nous fascine au sens de fascinnatus qui signifie sexe. Ceci posé, on voit très vite le lien presque ombilical qui relie l’art du psy au psy de l’artiste, tous deux oeuvrent sous la surface du conscient et tentent de dompter les mêmes monstres ou sirènes. En utilisant le terme ombilical délibérément, je ne cherche pas à dire que nous avons en commun d’avoir passé neuf mois au fond de notre « mer » qui nous a irradiés de ses propres turbulences, il en est des paisibles et d’autres déchaînées. Je fais plutôt allusion aux poissons du zodiaque qui résident sous la plante de nos pieds, à la frontière terrestre entre nous et le monde souterrain. Ces deux poissons entravés par un cordon nagent dans des directions opposées, ils sont à l’origine de toutes les racines de mots commençant par psy. Leur entrave mutuelle explicite la difficulté d’avancer dans la vie avec deux pieds qui sont entravés en position symétriquement opposée. S’agit-il de l’opposition entre pulsion de vie et pulsion de mort ? Ou encore du paradoxe vital entre l’attachement nécessaire à toute vie et l’exigence nécessaire de séparation pour croître dans la vie ?

J’ai commencé ma vie professionnelle au service de la promotion des artistes, mais un jour tout a basculé du côté du monde Psy, aujourd’hui j’ai consacré plus de temps dans le champ de la thérapie que dans celui de l’art. Mais l’art ne m’a pas quitté, il continue à me hanter, à me questionner ; je riposte en le disséquant, le charcutant mais aussi en y participant jusqu'à m’y vautrer. A quoi sert l’art ? Aucune réponse ne peut me satisfaire, c’est une nourriture indispensable à l’élaboration de l’être qui impose le positionnement du spectateur entre attirance et dégoût. C’est aussi le révélateur quotidien de l’évolution du groupe humain auquel l’artiste appartient. Comme le scientifique qui observe la pierre et croit pouvoir la décrire, le spectateur de l’œuvre d’art ne décrit rien d’autre que ce qu’elle suscite en lui. L’œuvre d’art n’existe que dans le regard du spectateur qui, en conséquence, y participe intimement en laissant résonner l’écho dans son histoire.

La mise en perspective que permet la psychothérapie, des constituants signifiants de notre vie met chaque thérapisant en position à la fois d’artiste créant l’œuvre de sa vie et le thérapeute comme un témoin spectateur de cette œuvre qu’il contribue à façonner en fournissant un cadre d’élaboration. Le praticien en psychothérapie n’est pas autorisé à placer une enseigne pour inviter le client à consulter, il peut tout juste placer une plaque au pied de son lieu de travail. C’est donc aux artistes que nous demandons aujourd’hui d’imaginer l’enseigne qui pourrait le mieux représenter notre art et ainsi nous renvoyer en miroir l’image et les fantasmes que notre profession suscite.

À tous les créateurs d’enseignes et de textes qui ont pris le risque de s’exprimer dans cette exposition, j’exprime ma gratitude pour avoir montré un peu de vous mêmes. La parole, nous le savons rend les épreuves de la vie “psychodégradables” c’est lorsqu’elle s’interrompt que les pulsions de mort reprennent le dessus.

 Actua-Psy, le journal des psychothérapeutes - N° 119 

 

 

Mai

 

Hymne à JACQUES BREL
proposé par roland farjon

Ci-joint un texte de Sorj Chalandon, journaliste à Libération (il tient une
petite rubrique sur la télé) et amoureux de Brel. Il y a deux ans , à l'occasion de l'anniversaire de la mort de Brel, et suite à un concert diffusé sur Arte, je
crois, il a écrit l'article ci-joint, sans doute l'une des plus belles "déclarations d'amour" faite à un artiste. C'est très beau, très fort, bouleversant même...



 C'est un cerne de lumière, une flaque morne. Un halo livide, mouvant,  à peine plus large que l'homme qui s'y est réfugié. C'est un projecteur, c'est une scène de

 théâtre, c'est un chanteur. C'est une solitude d'avant l'image en couleur. Un temps en gris de gris. Jacques Brel est mort le 9 octobre 1978. Il y a 25 ans,

 presque. Il a les yeux clos. Tellement, qu'il agite les mains pour pleurer. Elles pendent à bout de  bras. Elles disent l'inutile. Elles sont éparpillées,  Doigt à doigt, du haut jusqu'au plus bas. Elles  s'agitent, elles volettent, elle dessinent, elles  le disent, elles s'égarent, elles reviennent en pluie,  elles étreignent son coeur, elles se lassent, elles

 renoncent, elles retombent. Ses mains vont jusqu'à  terre, juste le temps des poings. Et puis, il les  frotte, il les serre, il désigne du doigt, il nous  montre un ailleurs que nous ne savons pas. Il les  jette en avant, il saisit, il capture, il retient.

 Puis il ouvre les yeux, et ses grands bras partout.  Il regarde au-dessus, à côté, autrement. Il cherche,  tête penchée, front froissé, bouche ouverte. Il nous

Sourit ses dents. Il mimique, il minaude, il potache. Il Mime ses gens à lui, les rassemble, les rallie, les Oblige. Il est debout, il chante. Il est tous à la fois.

Il en presque flou. Sa cravate est déliée, sa chemise est ouverte, le gris de sa veste lui fait des plis De peau. Ses chevilles sont soudées. Ses jambes se moquent de fausses révérences. Il fait sa moue, sa lippe, il nous fait le dégoût. Il nous fait la

surprise. Il ouvre grand les yeux, il écarte les lèvres, il fait de ses sourcils un accent

circonspect. Il tremble comme l'automne, pleure des yeux, se redresse en riant, regarde ailleurs, encore, toujours,  se cherche un mot plus loin. Et voilà qu'il grimace.

Voilà qu'il fait l'enfant, qu'il se creuse en vieillard, et qu'il ose un timide. Puis le voici jeune homme, qui tortille et chancelle. Puis le voilà tout seul, à joindre ses deux mains. Le voilà bouche ouverte. Le voilà oublié, délaissé, blessé et tout mendiant d'amour.

Et il hoche la tête, il dit l'humilité. Et puis il la relève, pour cracher sa colère. Regardons-le. Ses cheveux sont collés, tout luisants de sueur. L'eau perle sur son front, sur ses joues, sur sa voix. Ses yeux sont tout en rides. Son menton est tremblé. Et le voilà qui danse, et le voilà qui prie, et le voilà qui jure et le voilà qui crache. Il nous dit tous les mots. Il nous les montre. Il nous les vit. Il nous les aime.

 

Sorj Chalandon, Libération, 2003

 

 

JUIN 2005

AQIT: l'information sous influence

http://www.aqit.org

 

Pour sa troisième conférence débat,AQIT a choisi de poser la question de la qualité de l’information sous l’angle de sa manipulation par différents acteurs ayant intérêt à orienter l’information dans un sens ou un autre. L’information est-elle sous influence ? Comment un groupe de pression peut manipuler les médias ? Ces derniers manipulent-ils pour leur propre compte, ou développent-ils des stratégies de défense contre la manipulation ? Toutes ces questions ont été posées aux 3 intervenants du jour :

Amiral Pierre Lacoste, ancien directeur de la DGSE

Joseph Tual, journaliste d’investigation à France 3

Marc Filterman, spécialiste des armes non-conventionnelles. 

1 – comment un groupe de pression s’y prend pour manipuler les médias?


Amiral Lacoste : Les questions ne recouvrent pas le champ complet des préoccupations. C'est un vaste problème qui part du présupposé qu'effectivement il existe des groupes qui manipulent.
Alors comment s'y prennent-ils ? Le levier le plus important est le levier financier : une entreprise de presse est un acteur économique, elle a des dépenses, il lui faut des ressources
Or la situation financière des médias fait qu'ils sont fragiles. Mêmes si les gouvernements ont mis en place des dispositifs d'aides à la presse.
Je pense aux grands empires de presse anglo-saxons. Quand on regarde ce qu'ils ont diffusé depuis 2 ou 3 ans, ils ont un certain discours, il est clair que le financier c'est le plus important
Quels sont les autres leviers de manipulation ? Il y a bien sûr la pression des Etats. J'ai connu la propagande de Goebbels et les médias sous contrôle dans l'empire soviétique, puis Cuba, la Corée du Nord, et maintenant la reprise en main des médias Russes par Poutine…
Ce qui est sûr, c'est qu'en pays démocratique, les services secrets n'ont pas ce genre de pouvoir sur les médias. Même en pays dictatoriaux, la manipulation est faite par des groupes différents, pas par les services de renseignement. Comme autres moyens de manipulation, il y a celui qui consiste à répéter les mêmes thèmes pendant des semaines… L'utilisation des techniques de la publicité, les méthodes de manipulation de l'esprit, de manipulation des foules etc.

Joseph Tual :Un bon moyen de pression, ce sont les voyages payés, comme dans l'affaire Botton. Après, le journaliste accepte ou pas de partir en voyage. Un directeur de communication d'une grande entreprise est un groupe de pression ! L'attachée de presse est reconnue, elle fait partie d'une profession qui est payée pour ça. Mais chaque journaliste détermine si ce qu'il glane est bon à diffuser ou pas. Sachant que les voyages payés, le sont parfois pour la noble cause (MSF paye les billets d'avion).

Marc Filterman : Dans l'exemple de l'explosion de l'usine AZF, les journalistes ont été confrontés à 2 thèses, attentat contre accident. Certaines thèses étaient poussées par des RG. Les premiers jours on parlait de 2 explosions, et ensuite on disait que c'était psychosomatique. Cette manip' a été mise à jour car on a retrouvé les enregistrements magnétiques, preuve matérielle qu'il y a bien eu 2 explosions. Sur cette question, les journalistes avaient 2 sources d'info différentes, ils devaient prendre position ou alors exposer les 2 thèses.

Amiral Lacoste : Autre forme de manipulation : le terrorisme. Il n'a pas d'efficacité s'il n'est pas connu, les terroristes visent les systèmes, les moments, les méthodes qui auront de l'impact dans les médias. Pendant la guerre au Liban, les groupes de Terroristes réalisaient leurs attentats pour qu'on en rende compte à 20h à Paris. Dans les régimes policiers, les attentats on n'en entend pas parler. Et sur le plan de l'efficacité policière, le silence est plus efficace.

Marc Filterman : Le problème avec les attentats, c'est que si on n'en parle pas, les terroristes font plus spectaculaire. La télévision joue un rôle émulateur comme dans l'affaire de l'anthrax.

Joseph Tual : Le public a envie de savoir. Si on ne parlait pas des attentats, on nous dirait qu' « on nous cache tout »

Amiral Lacoste : c'est une question de déontologie. Au Liban, lors de l'affaire du détournement de la TWA, les télés américaines se sont fait une concurrence folle. C'était à qui obtenait le plus de fuites. J'ai même vu l'organisation par une chaîne d'un repas dans une salle avec les otages et les terroristes. Seuls les professionnels de l'information peuvent régler cela. Dans des services de police, certains ne peuvent pas s'empêcher de donner des infos à des amis journalistes. Et c'est plus grave quand ça vient des patrons, des chefs de service qui lâchent ce qu'ils n'auraient jamais du lâcher. Quand je suis arrivé à la DGSE, je me suis posé tout de suite la question de mes relations avec la presse. Je ne m'engageais jamais dans des échanges de confidences. Je leurs disaient, aux journalistes, « nous faisons le même métier mais pas de la même façon. Moi je suis payé pour apporter des renseignements confidentiels aux autorités de l'Etat. Je ne peux vous les donner. » Je n'ai pas eu de relations conflictuelles avec la presse, j'ai été très clair.
 

2- les intérêts des médias les poussent-ils à manipuler l’information?

 

 

Joseph Tual : notre intérêt c'est de diffuser l'information le plus largement possible. Divulguer une info pendant une campagne électorale, ça peut manipuler les votes. Que faut-il faire alors ? France 3 est un service public, le privé est astreint à plus d'audience. Nos actionnaires, ce sont les impôts, alors que le privé appartient à des groupes. Les infos qu'ils diffusent ne doivent pas heurter les intérêts des entreprises… nous on n'a pas ce paramètre. La qualité parce que la redevance ? C'est sur que des informations ne passeront pas sur TF1 à cause des intérêts de Bouygues…

Marc Filterman : le journaliste peut ne pas être au courant de certains faits car il n'est pas spécialiste de la question, donc il va reprendre les infos qu'il reçoit. Pour l'exemple des durées d'exposition aux ondes émises par les téléphones mobiles : la directive européenne sur la question donne la nocivité pour une durée d'exposition de 6 minutes, les journalistes ne le savent pas, et les opérateurs naturellement n'en parlent pas. Un journaliste ne peut pas être spécialiste dans tous les domaines, d'où l'existence des revues spécialisées.

Amiral Lacoste: Le problème de la compétence du journaliste se pose dans tous les milieux professionnels. Quand les médias traitent d'un sujet, naturellement les spécialistes sont frustrés. Moi je n'accuse pas le journaliste, si le sujet est trop complexe, c'est aussi que les spécialistes n'ont pas été assez pédagogiques. Les spécialistes devraient être plus explicite. Ainsi concernant le débat sur le nucléaire, les spécialistes ont des avis complètement différents. Les critères des physiciens ne sont pas les mêmes que les biologistes. Sur le nucléaire, les jugements des physiciens et biologistes divergent forcément.

Joseph Tual : Pour mieux traiter un sujet, on travaille toujours à 2 ou 3, pour partager les idées. Une source unique, qu'on ne peut pas citer, ça ne sert à rien. Nos informations doivent avoir un support, se recouper. Travailler en équipe ça permet de recouper l'information, alors que travailler tout seul c'est dangereux, pour la qualité de l'info et pour le journaliste. Après, ça dépend de la rédaction. Un ou deux journalistes d'investigation. Sur une rédaction de 150, ça peut être tenable, pour le service public, mais pour un petit journal ? Parfois la manipulation n'est pas voulue, le montage se fait aussi dans l'urgence, on choisit de montrer telle ou telle chose…
 

3- Quelles sont les stratégies de défense des médias contre la manipulation?

 

Amiral Lacoste : Comment les médias se défendent face à la manipulation ? Le journaliste est élément d'un système d'information, d'une communauté, s'il n'est pas d'accord avec le système, il se démet du système. C'est la grande question : Vaut-il mieux agir à l'intérieur que de sortir du système ? Au niveau de l'opinion publique, il faut défendre la pluralité de l'information, promouvoir la défense des règles de déontologie professionnelle et le respect des lois comme la diffamation. Par exemple un journal comme Le canard enchaîné ne peut pas dire n'importe quoi, il ne dit pas n'importe quoi.
Il faut aussi que dans les écoles de journalisme on fasse des études de cas pour apprendre à ne pas se faire piéger.

Joseph Tual : Quand l'information est chaude, on a un phénomène de meute, les journalistes sont abreuvés d'infos, il y a une peur de rater l'info, et dans ce cas on va très très vite… Et ça les Powell et autres ils le savent. Souvent, des médias analysent avec recul les événements (Courier International, Arte Théma…). Mais on s'auto-manipule nous même parfois. Dans les écoles de journalisme, il n'y a pas de cours de déontologie ni de défense contre la manipulation.

Marc Filterman : La meilleure défense contre la manipulation, c'est de connaître le sujet sur lequel on travaille et c'est une question d'investigation. Or les journalistes sont généralistes. Le journaliste ou le politique ne doit pas se contenter des infos fournies par des lobbies bruxellois par exemple. Eviter la manipulation passe par le faite de ne pas faire confiance à ceux qui nous donnent une information.

 


Septembre

 
Quand l’art contemporain donne une leçon de démocratie  


Par Célia CHAUFFOUR à Tbilissi
Le 29/08/2005

Initié entre Paris et Tbilissi en 2003, le programme Caravansaraï organise en octobre prochain, dans la capitale géorgienne, le Forum international des arts visuels et des échanges artistiques. L’édition 2004 avait déjà remporté un franc succès. Focus sur un rendez-vous d’art contemporain, conçu un espace de la libre-pensée au sein d’une région en transition démocratique.

 

 © Photo 1: David CHIKHLADZE
Photo 2: Oleg KULIK
Photo 3: Jacques CRENN
Photo 4: Andreï MOLODKIN
Photo 5: Irina LESINSKA


 

Offrir une plus grande visibilité à des artistes contemporains, ainsi qu’à leurs œuvres en élargissant les champs de coopération traditionnels de la création contemporaine : sur le papier, l’objectif du Forum était audacieux. Les œuvres exposées sont, elles, bien réelles. Mêlant conceptuel et onirique au substantiel et sensible.

Mais la spécificité de ce rendez-vous artistique tient surtout à sa dimension politique. « Le contexte géopolitique, économique et culturel international présent a rendu indispensable la mise au point de stratégies transversales nouvelles. Il s’agit de renouveler la représentation artistique et culturelle d’Est en Ouest, dans un champ qui rassemble à la fois l’Union européenne, le Sud Caucase et l’Asie Centrale », explique Shalva Khakhanashvili, artiste, critique d’art et initiateur du programme Caravansaraï. Le ton est donné : l’art comme lieu d’échanges, oui. L’art comme un espace démocratique dans les pays de l’Est, avant tout.

Un lieu de débat démocratique



A écouter le fondateur de Caravansaraï, l’art serait même le dernier espace de la libre-pensée et, dans de nombreux pays de l’Est où la démocratie est encore à un stade embryonnaire, il resterait le seul terrain véritable de l’expression politique.

A vrai dire, l’idée est séduisante. Shalva Khakhanashvili rejoint ici ceux qui ont le sentiment que « la politique doit se référer à l’art parce que celui-ci détermine l’espace public, tout comme l’art se réfère de plus en plus à la politique en terme d’action. Ces deux domaines s’interpénètrent et nourrissent un lien fort. »

Alors, quand on évoque la liberté d’expression dans les pays post-soviétiques, Shalva Khakhanashvili se fait prolixe. L’art resterait le seul véritable lieu où le débat démocratique est encore possible. « Car en dehors de la sphère artistique, ce sont bien souvent les médias qui font et défont les politiques nationales. Ils manipulent l’opinion publique au profit des courants les plus fondamentaux ou extrêmes ».

De la Baltique à la Caspienne



Pour en finir avec la théorie et redonner à la démocratie un espace public, Shalva Khakhanashvili met donc en place, dès 2003, le programme international Caravansaraï.

Le pari est aussi audacieux qu’hasardeux. Il vise à soutenir la création et le développement des infrastructures artistiques et culturelles, la circulation des artistes et des oeuvres des pays de l’Europe centrale et orientale, en proposant des outils pour leur représentation à l’étranger, notamment en Europe occidentale.

Mais Caravansaraï s’est surtout fixé pour ambition de devenir un rendez-vous artistique majeur de l’art contemporain basé à Tbilissi, en accueillant des artistes issus de nombreux pays.

A ce stade, le programme se concentre principalement sur la création et le développement de réseaux d’infrastructures culturelles mettant en relation l’espace balte (Lituanie, Lettonie, Estonie), l’Europe orientale (Pologne, Biélorussie, Ukraine, Moldavie) avec la mer Noire et le Sud-Caucase (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie), la mer Caspienne et l’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Tadjikistan, Kirghizistan).

Une nouvelle « Route de la soie »



Caravansaraï prévoit de faire circuler le Forum international des arts visuels et des échanges artistiques, dont l’édition 2005 se tiendra à Tbilissi du 9 au 12 octobre prochain, le long d’une nouvelle « Route de la soie » mettant en relation les villes de Almaty, Bakou, Tbilissi, Kiev, Chisinau et Istanbul d’une part, Thessalonique, Berlin, Paris, Strasbourg, Bruxelles et New York d’autre part.

« L’émergence de ces nouveaux relais autonomes et solidaires de la création contemporaine doit permettre aux artistes d’Europe orientale de prendre leur place sur la scène artistique internationale », poursuit Shalva Khakhanashvili.

L’intérêt essentiel de cet événement repose sur sa vocation à faire le lien entre production et réflexion, en suscitant le dialogue entre différents acteurs du débat artistique (universités, musées, commissaires d’exposition, artistes et critiques d’art), et donc d’associer la théorie et la pratique, en rassemblant des artistes venus du monde entier.

« L’objectif final du Forum est en réalité de devenir une plateforme de recherches philosophiques et scientifiques sur les développements de l’art contemporain dans les Etats de la CEI et leurs capitales, en tant que pôles culturels importants », explique-t-il.

Le programme Caravansaraï entretient une relation privilégiée avec le Forum de Thessalonique, et développe avec ce dernier, pour la saison 2006-2007, le projet Cosmopolis II, biennale d’art contemporain.
Le Forum de Thessalonique est devenu un lieu de rendez-vous majeur dans les Balkans, contribuant de façon décisive à la promotion des échanges entre plasticiens, écrivains, critiques et commissaires d’exposition venus de l’Europe de l’Est et de l’Ouest, mais aussi d’autres régions du monde.