2002       2003      2004        2005

2006

Prof dans le neuf-trois(Janvier)
 La Pluie(Février)   
La peur(Mars)
Tout ce que j'espère(Avril)
L'école n'est pas une entreprise(Mai/Juin)
Festival d'Avignon(Juillet)
 Intermittents(Août)
Les nouveautés littéraires de la rentrée(Septembre)
Les créatifs culturels(Octobre/Novembre)
Pause Décembre Anti brouillard(Décembre)

Janvier

 

   Prof dans le "neuf-trois"                                                         
                                                                                     
   Dans son livre "Collèges de France", à paraître chez Fayard, Mara Goyet,          
   professeure d'Histoire-Géographie, raconte avec partialité et cynisme son expérience de jeune professeure dans un lycée de la  Seine-Saint-Denis. Miroir de la crise du collège, de l'école, de l'autorité en déclin des maîtres. Son témoignage est intéressant car il pointe le décalage entre l'ambition première du professeur et la pratique professionnelle sur le terrain qui oscille entre plaisir et souffrance. Il traduit un ethnocentrisme de classe, un gouffre social et culturel entre de jeunes profs passés par les classes préparatoires issus de milieux favorisés qui ne connaissent absolument rien de la réalité sociale des milieux populaires et des problèmes liés à l'immigration. Mara Goyet est injuste et suffisante vis à vis de ses élèves. Je parle en connaissance de cause étant moi-même, enseignante de français en ZEP(zone d'éducation prioritaire) à Dreux(28). Non, les collégiens ou lycéens des banlieues ne sont pas des abrutis mais pour le plus souvent des êtres en mal d'adaptation, de repères. Des êtres en devenir, en transformation avec tous les bouleversements physiologiques et psychiques que cela suppose. Ces propos sentencieux ont le mérite de nous poser deux questions fondamentales qui elles sont bien réelles. La première concernant l'impuissance et le désarroi des enseignants accablés devant la violence sociale et le niveau scolaire très bas et la deuxième qui pose la question de la formation pédagogique des maîtres dépourvus de connaissances en sciences sociales qui leur permettraient certainement de mieux comprendre leurs élèves et ainsi d'adopter une attitude plus appropriée dans l'
arène. Ce livre nous amène à réfléchir sur une re-définition du rôle du professeur pour ne pas que l'amertume, le désarroi, l'impuissance se cristallisent. La crise des collèges de banlieue peut entraîner un processus de raidissement idéologique auquel il faut prendre garde et qui irait contre une avancée constructive au problème de la fracture sociale.
De nombreux ouvrages spécialisés sur la question sont indispensables à lire pour nous faire évoluer dans notre pratique pédagogique. Croire qu'il suffit de transmettre un contenu, exiger est une réponse trop simple. Il semble maintenant de toute évidence dans le contexte où nous exerçons qu'il devient indispensable de prendre en compte la dimension matérielle, morale, psychologique de ses élèves.

 La culture contre l'échec scolaire, CNDP, Opéra national de Paris
 
Nouvelles migrations, nouvelles formes des migrations, Déc 2002, CNDP

De florence Issac

Extrait du livre:  

                                                                                 
   La langue. Les élèves de sixième n'ont pas d'accent. Pardon, les élèves de sixième ont un accent parisien. Cela ne dure pas. En trois, quatre mois, ils prennent  l'accent du "neuf-trois". Ils parlent d'abord ainsi entre eux, puis quand ils  s'énervent, enfin tout le temps. Quand je le leur dis, ils s'en amusent, puis ne    s'en amusent plus du tout. Leur vocabulaire et leur intonation n'ont rien de véritablement inventif ni désopilant. Osons dire qu'aplatir tous les mots et  sembler prêt à exploser d'agressivité dès qu'on ouvre la bouche n'est digne de personne. Il faudrait aussi se demander si l'on peut avoir des pensées profondes  et subtiles avec vingt mots de vocabulaire. Que l'on cesse de croire que chaque  môme est un petit MC Solaar. Il n'y a pas grand-chose de rigolo dans tout cela, il n'y a qu'un registre de discours limité et souvent assez laid. Un registre            discriminant, aussi, celui de la misère sociale comme culturelle.     
    de Mara Goyet   
                                                                             
   

 

Février           

       

La pluie                
de GAF


Il pleut. C'est calme la pluie. Le bruit de l'eau qui coule rappelle les berceuses de l'enfance. Le son des gouttes qui se brisent sur le toit, le coulis de l'eau qui ruisselle sur les tuiles, le ploc du flux qui se déverse sur le sol, pour finir sur le son du jet qui se brise. Dans la nuit calme, un moment d'éveil et de rêve.

Il pleut. C'est doux, la pluie. Des gouttes sur un visage. Des gouttes qui coulent et se renouvellent sans fin. Une fraîcheur bienfaisante m'envahit. S'allonger sur une chaise longue, se reposer, le visage offert à la pluie. La paix est là, le massage se renouvelle, les ennuis disparaissent, la vie se purifie.

Il pleut. C'est beau la pluie. Une pluie d'orage, vue d'un avion en attente à Marseille Provence. 50 minutes d'éclairs autour de nous, sans rien d'autre à faire que de profiter du spectacle. La nuit est tombée, chaque éclair illumine la masse sombre qui surplombe l'aéroport. D'est en ouest, l'orage, avec ses vents violents, va nous passer dessus. Nous sommes, protégés, au cour de l'orage. L'orage s'éloigne. un peu. On le sent près, prêt de revenir. L'air est clair. On remonte la piste, on décolle dans cet air dégagé, avec tant de visibilité sur tant de détails éclairés par les lueurs électriques. On ne monte pas, on reste sur la masse nuageuse. L'orage est toujours là. Il vibre. La pleine lune apporte sa lueur froide à cette atmosphère dégagée de toute humidité. Chaque nuage est visible, si loin soit-il. Nous sommes seuls, entre ciel et ciel, entre lueur et lueur. Lueur de la lune, si grise, si ronde. Lueur de l'orage qui par éclairs luit sur toute la masse que nous survolons. Le monde n'existe plus.

Il pleut. C'est violent, la pluie. Une route emportée. Un buisson qui se bloque dans un fossé, et voilà la pluie qui prend un chemin de traverse, la route que les hommes se sont tracées, et dont ils voulaient l'écarter. La pluie passe, quoi que l'homme fasse. Elle laisse ses traces, modèle la terre, emporte les montagnes, envahit caves et maisons. Et laisse derrière elle boues et limons vivriers ou destructeurs.

Il pleut. C'est fini, la pluie. Un nuage à l'est au lever du jour emporte les restes de la pluie. Le soleil se lève, derrière le nuage, et lui apporte cette bordure de lumière su particulière que seuls aperçoivent les témoins du combat éternel que se livrent l'humidité de la pluie et la chaleur du soleil.

Il pleut. C'est la vie, la pluie.

   Guillaume d'Azemar de Fabregues.

         
gaf@laposte.net

MARS

La peur

Ce matin, j'ai connu la peur. Pas une simple trouille, pas la crainte. Non, la peur. La vraie.

Intrigué d'aviation depuis l'enfance, une sorte d'atavisme familial, j'ai vécu mon premier contact avec un avion dans le bûcher de mon arrière-grand-mère. La lumière n'arrivait guère à en percer la pénombre. L'odeur de la poussière se mêlait à celle de la vieille graisse. Des odeurs animales, plumes et poils, contribuaient aussi à cette sensation unique.

En entrant, je levais bien haut la tête. A cinq ans, on est bien petit, on lève souvent la tête. Et là haut, sur les poutres noires, il y avait l'avion. Oh, pas un avion majestueux, comme sur les photos sépia de premiers pas de l'aviation, celles qui illuminent nos mémoires. Non. Un avion du même type, pourtant. Son aile reposait verticale sur les poutres noires, à gauche, appuyée sur le mur de galets. De ce qui avait été un biplan, laquelle pouvait bien rester ? Mon souvenir d'enfant est trop imprécis pour seulement le deviner. Son fuselage un peu plus à droite, quasiment entier. Enfin, entier. Comme pour l'aile, le squelette de bois retenait à grand peine des lambeaux d'une toile dont on devinait qu'elle avait été écrue. Les lambeaux d'un homme visionnaire, émigré en France au crépuscule d'un siècle qui avait connu Napoléon. D'un homme à la pointe, d'un homme qui avait eu la première voiture du département, et, forcément, son avion.

D'autres souvenirs remontent. De vieilles photos, aujourd'hui disparues, de cet avion posé dans un champ, sa demeure en arrière plan. Une photo de sa belle fille en Bugatti, avec ma grand mère enfant sur les genoux, une gouvernante anglaise particulièrement laide à son côté.

Toutes les premières fois dont on se souvient. La première fois que j'ai franchi la porte d'un aéro-club. Premier vol, avec Jean Brice, sur la piste en herbe d'Oloron, dans un Piper J3 jaune. Et cette première sensation d'avoir tenu le manche d'un avion. Premier solo, deux tours de piste sous un ciel plombé, sur la piste d'Etampes. Première navigation d'après brevet, un Toussus -Belle Ile en rallye 110ST, qui causa l'hilarité de tout le club. Première traversée vers la corse, en HR100, et premier posé à Ghisonnacia, un terrain sur lequel la radio se fait avec la tour d'un autre terrain. Toutes ces premières fois se mélangent dans ma mémoire. Premier vols de certaines personnes chères à mon cour.

Peut être serai-je un jour un bon pilote, si la vieillesse m'emporte en son temps. L'avenir le dira. Pour l'instant, je ne suis pas un trop mauvais pilote, puisque pilote encore en vie.

En aviation, pour savoir, il faut aller voir, dit la sagesse. Alors j'ai voulu aller voir. Aller voir ce qui se passait quand on allait plus loin. Ca aurait pu être le vol aux instruments, ou les multi-moteurs. Ce fut la voltige.

Premiers vols, sans traces aucunes, dans un Robin noir. 6 mois après, nouvelle tentative avec un Cap 10 aux armes d'Intermarché. Retour au train classique, pour cet avion fin qui avale la piste si aisément.

Un bon instructeur à ma droite, et un apprentissage classique. Premier tonneau, première boucle, première mise dos.

Tiens, c'est agréable de voler sur le dos. Cette sensation étrange de se retrouver hors du temps, hors des normes. Vraiment, vol dos et tonneau sont des figures agréables.

Premier renversement, ensuite. François aux commandes, la figure semble si facile. Ma main sur le manche, mes pieds sur les palonniers suivent ses gestes guidés par sa voix. Mes yeux se sont fait à l'environnement. Ils parcourent un horizon restreint, ils balaient les instruments.

Vol suivant, tonneau, boucle, dos, renversement.

Encore un vol ? La main de François se fait plus légère. C'est moi qui tiens l'avion. Le tonneau passe seul depuis longtemps, le vol dos peut se prolonger. La boucle commence à venir, même si elle se termine bien peu dans l'axe. On finit par un renversement ? Allons-y. Plein Gaz. Verticale, le triangle bien parallèle à l'horizon. Pied à droite pour contrer les effets moteur, le triangle est en place. Coup d'oil sur le badin, la vitesse tombe. Encore trop vite. Le triangle est toujours à sa place. Nouveau coup d'oil sur le badin. La vitesse est là. La voix de François dans le casque, "Pied à gauche". Le mauvais réflexe. La main veut aider, et envoie le manche à gauche. L'avion tourne. Retourne. Ca n'est plus comme d'habitude. La conscience que je ne sais pas m'en sortir. La voix calme de François, "Lâche tout". L'avion reprend son assiette. Je n'ai pas eu le temps de réaliser, je n'ai pas eu le temps d'avoir peur.

Retour au sol. Commentaire, tu t'es mis en vrille, as-tu vu ce que j'avais fait pour en sortir ? Non ? Réduis les gaz, manche au neutre, pied inverse et ressource.

Un autre vol en Cap10, il fait mauvais, on enchaîne les tours de piste. Ils passent bien.

Un nouveau vol. Il fait beau, tempête de ciel bleu. Quelques nuages au lever du jour, bien vite dissipés par le soleil. Départ pour le terrain.

Saluts matinaux. Bonjour François, bonjour Joséphine, vous êtes dans le journal. La bonne humeur règne, la boule est déjà là, au creux du ventre. Tu vas chercher les parachutes ? Comme je les hais, ces parachutes. Obligatoires pour la voltige, sans que j'ai la moindre idée de la façon dont il faut sortir de l'avion, du moment où il faut tirer la poignée grise, des gestes de l'atterrissage. La boule grossit. Ce n'est plus de l'appréhension, ce n'est pas de l'angoisse, c'est autre chose. Démarrage, alignement, on allonge le roulage. Décollage, l'avion répond bien. La boule grossit, elle prend maintenant tout l'estomac.

J'écoute François, de loin. Message radio pour annoncer le début de la séance de travail. Vérifications baclées de la verrière, des harnais, des volets, des instruments. François me reprend. Tonneau de sécurité, pour voir si tout est OK. Tout est OK, sauf le pilote. La boule est OK, elle est plus qu'OK. Je ne suis plus que cette boule. François, je flippe. C'est normal, dit-il. Non, je flippe vraiment.

Ce n'est plus le geste technique que je dois vaincre, maintenant. C'est moi. On rentre, propose-t-il ? Non, on continue. On enchaîne les tonneaux. Ils passent. Pas la boule. Une boucle ? Un renversement, s'il te plaît. Je veux savoir. Je veux voir. J'ai la main sur les commandes, François fait le geste. Regard sur le triangle, coup d'oil sur la badin, la voix décompose le mouvement, les gestes s'enchaînent, le renversement se déroule, tout se passe bien. La boule est là, elle se contracte, se noue. Une boucle, maintenant. La boule est toujours là, féroce dans la ressource.

Un petit vol dos, maintenant ? OK. Sans problèmes. Le physique résiste encore. La boule est là, nouée. Encore quelques tonneaux ? Allons-y. Avec quelques exercices de sortie de tonneaux mal embarqués. Le corps résiste.

Mais je sais que là, quelque part, pas loin, il y a un endroit où règne la peur. Juste là, juste à côté. Un endroit où je suis allé, où pour la première fois je me suis trouvé sans savoir que faire, sans pouvoir bricoler une solution, même approximative.

Je sais pourquoi j'ai commencé la voltige. Pour savoir quoi faire le jour où la malchance me conduirait dans un tel endroit. Pour voir ce qui se passe. Pour pouvoir bricoler une solution qui passe. Pour voler au quotidien à mille lieux de mes limites.

La sincérité, c'est d'aller voir jusqu'au bout de ses possibilités, d'en longer les limites. S'en approcher, c'est sentir le souffle froid du monstre qui hante l'autre côté.

Alors je vais y retourner, dans cet endroit. J'y retournerai avec François. La technique vaincra la peur, la boule se dénouera. Je vais dominer la technique. C'est facile. Je veux vaincre la peur. Un jour y retourner seul.

J'ai connu la peur. La vraie.

  Guillaume d'Azemar de Fabregues.

         
gaf@laposte.net

Avril

 

Ne parler que de ce que j'espère

Il est trop tôt pour prédire quoique ce soit; tout ce don't je peux parler, c'est de ce que je veux espérer. je veux espérer que Saddam Hussein sera délogé une fois pour toutes de Bagdad parce qu'il représente un danger énorme pour l'ensemble de la région, et je veux espérer que la population irakienne souffrira le moins possible de l'intervention américaine. je veux espérer qu'Israel ne sera pas impliqué dans le conflit, et je veux espérer qu'une fois la guerre achevée les américains sauront créer dans l'ensemble de la région une atmosphère propice à la résolution du conflit avec les palestiniens. C'est manifestement quelque chose que nous, Israeliens, ne pouvons faire seuls. Des promesses américaines semblent avoir été faites en ce sens aux pays arabes, contre leur soutien à l'intervention actuelle. Si c'est le cas, alors les intérêts d'Israel et de ces pays arabes coincident, et peut-être allons-nous pouvoir oeuvrer ensemble à la mise en place des conditions nécessaires pour vivre tous, Palestiniens et Israeliens, le calme que nous méritons depuis longtemps. l'arrivée d'Abou Mazen au poste de Premier ministre de l'Autorité palestinienne est un signe encourageant de ce point de vue, ne serait-ce que parce que cela s'est fait contre la volonté d'Arafat. mais il y a encore beaucoup à faire. Il faut que l'Autorité palestinienne cesse de lutter contre ses propres intérêts en laissant agir les kamikases. Et il faut qu'Israel aide à l'assise et à la légitimation d'Abou Mazen.

Marc Weitzmann, 21/03/2003

 Mai/Juin

 

L'école n'est pas une entreprise

 Une décentralisation pour l'école? La question aurait dû être posée et débattue après un bilan sérieux de l'existant. Va-t-on réduire les inégalités territoriales en développant des phénomènes de concurrence entre établissements et des attitudes de plus en plus consuméristes pour les familles qui en ont les moyens? La montée en violence causée par cette fracture sociale prend même le risque de s'aggraver par une dislocation des équipes éducatives. Est-ce en transférant une partie des personnels existants vers d'autres autorités que le public y parviendra? Tous sont déjà dans la plus grande proximité avec les usagers qui ont besoin d'eux; que va apporter leur transfert sinon le risque d'éloignement. on ne voit pas les avantages à tirer de cette réforme. les risques encourrus par contre ne sont pas négligeables; disparition de certaines missions et de certains personnels, accroissement des inégalités, privatisation ouverte ou larvée de certains services. les premières victimes seront les jeunes et leur égal accès à ce droit fondamental qu'est l'éducation.

La "rupture" de croissance selon les mots même du Premier ministre, une politique budgétaire laxiste, combinant baisse des impôts et dérapages des dépenses courantes selon le rapport de la commission européenne, ont conduit la France à un déficit et un endettement qui dépassent largement les limites fixées par Masstricht.

Or contrairement à ce que l'expression peut laisser entendre, il n'y a pas de luxe, ni de superflu dans les services publics. Appauvrir l'Etat c'est forcément réduire les missions et l'offre de service public sur tout le territoire. cela se traduira par une remise en cause fondamentale de l'égalité d'accès, de la continuité territoriale, de l'offre et de la qualité des services publics pour la population et l'abandon de leviers essentiels pour le développement économique, social et culturel.

Derrière tous les discours sur la "proximité, l'efficacité accrue"se cache, très mal, la recherche d'économies. Le thème de la "réforme" sous couvert de mieux répondre aux attentes des usagers débouche en fait dans ce cadre sur l'inverse.

J'ajouterais que l'école a une fonction que ne doit en rien ressembler à celle de l'entreprise. l'enseignant n'est pas juste un professionnel qui déverse un savoir, un contenu. le contenant n'est pas un produit sur lequel on peut agir de façon uniquement didactique. La notion de rentabilité et de production n'a pas lieu d'être. c'est à l'enseignant d'adapter ses pratiques en prenant en compte les différences sociales et psychologiques, les diversités. Ainsi donc il semble clair que des établissements auront toujours besoin de plus de personnels adaptés et formés en conséquence. Chacun sait la différence de moyens qui existent aujourd'hui entre collectivités locales et nous n'avons aucune garantie de véritables mécanismes de péréquation.

de Florence Issac   

 Juillet

Festival d'avignon avec l'association Passion-théâtre

Manifeste en Images

Un cliché pris par Isabelle Salvati, au tout début
du festival (le 8/7 si j'ai bonne mémoire), lors de la première
manifestation avignonaise des intermittents. Dommage que l'on ne voit pas le verso de nos magnifiques pancartes, qui affirmait : "Le public avec les intermittents. Pour que vive le théâtre (!)" (parenthèses parce que les discussions sur l'utilité du
point d'exclamation ont été longues...)
Thibaut
t.fleury@laposte.net

Voici une autre photo de cette même manifestation des intermittents du spectacle qui remontaient le Cours Jean Jaurès, puis la rue de la République jusqu'à la place de l'Horloge et celle du Palais.

En complément de cet événement, il y a aussi ici des façons particulières à chaque troupe de manifester leur désaccord. J'ai particulièrement aimé celle du pot de fleur (connue ici car juste à côté du local de PTI)(voir photo Août, les intermittents;les precaires de la culture).

 Zaz Paulina

 Une du tout début du Festival (genre le 6 ou 7 juillet) où il fallait décider si le Collège de la Salle faisait grève ou non le premier jour (le 9 juillet), réunion à laquelle nous étions conviée. Après pas mal de discussions, finalement tout le monde a été d'accord pour fermer le 9, et par la suite ceux qui voulaient jouer le pouvaient.



Cette photo montre un des moyens de contact privilégié de
l'asso avec les compagnies : on invite chaque matin une compagnie
différente à parler de son spectacle, de sa situation par rapport au statut
d'intermittents, de la grève, de la façon dont ils voient la suite des
événements... Sur la photo c'était un petit déjeuner avec la troupe qui
joue "Voyage en Yiddishland".

On a également rajouté une page "Avignon 2003 : actualités" accessible
depuis la page d'accueil de notre site ou par le lien suivant:
http://www.passion-theatre.org/actualite/avignon/
On y trouve un superbe article écrit par Marie-Laure intitullé "Non le
Festival n'est pas fini", ainsi que pas mal de paroles de compagnies et
d'artistes qui sont venus nous voir pour nous expliquer où ils se situaient
dans cette lutte, on a même un témoignage d'un habitué qui chaque année
vient témoigner au local sur les spectacles qu'il a vus, mais qui cette
année il a fait un témoignage sur "Pourquoi je ne rédigerai pas de
témoignages cette année", bref, une page très riche, avec plein de photos
de Cédric.

Voili voilou, c'est presque la fin du festival, il reste peu de monde
là-bas, mais boudiou d'boudiou, un mois, qu'est-ce que ça passe vite !

Bises à tous
Diane Kolin

 Août     

Intermittents: Les precaires de la Culture
la situation est sérieuse!

En remettant en cause le régime d'assurance chômage des intermittents, l’accord conclu le 26 juin entre le Medef et trois syndicats minoritaires ignore les spécificités d’une profession marquée par une grande précarité. Pour autant une réforme du système est nécessaire. Ce n’est certainement pas celle écrite par le Medef.

Quel est le point commun entre une star de cinéma et un animateur de bal musette ? Ils sont tous deux des « intermittents du spectacle ». Un terme large, désignant les comédiens, les professionnels de la mise en scène, de la réalisation, de la production de spectacles, les professionnels de l'image, du montage, du son, de l'éclairage, de la coiffure, du maquillage, du costume, les décorateurs, accessoiristes, danseurs, chorégraphes, artistes de la musique et du chant, artistes de cirque et de music-hall...
Et si Julien Clerc est plus célèbre que la scénographe Caroline Mexme, il y a infiniment plus de Caroline que de Julien dans la profession : le salaire moyen d’un intermittent du spectacle étant de 1250 euros bruts par mois, et l’emploi pour le moins précaire.

Tous ces professionnels sont généralement payés au cachet pour les répétitions de spectacles et les représentations et multiplient les employeurs (la dérogation accordée n'est pas scandaleuse, elle répond au caractère particulier et éphémère de la production de spectacles, vivants ou enregistrés)...

Certains enchaînent sans arrêt les contrats, mais pour la grande majorité des intermittents, le chômage est récurrent et forcé. Les jours où l’intermittent n’est pas sous contrat, il est au chômage. Un chômage parfois très actif : pour les artistes, les semaines de préparation et de répétition d'attente, de négociations, ne sont pas salariées ; pour les techniciens, si une journée de travail compte pour 8 heures, dans la réalité, elle atteint fréquemment le double, voire le triple…

En contrepartie de cette précarité permanente, un système spécifique d'assurance chômage était prévu par les annexes VIII et X de l’ancienne convention Unedic de 1997, dont les règles de calcul, et notamment les critères d'ouverture de droits, sont évidemment plus favorables que pour les autres salariés, qui ont a priori des périodes d'emploi plus longues. Jusqu'alors, les intermittents devaient avoir travaillé au moins 507 heures au cours des 12 mois précédents pour ouvrir des droits à l’assurance chômage, qui est calculée selon les salaires. Sur 200 000 intermittents qui cotisent, 100 000 y parviennent.

Ce régime spécifique, qui instaure un système de solidarité de toute la société envers les professionnels du spectacle vivant, participe directement au financement de la politique culturelle. Le budget limité du ministère de la Culture ne lui permettrait pas de prendre en charge ces subventions.

Chanteurs en cuisine

Cependant, le nombre d'allocataires a plus que doublé, passant de 41 000 en 1991 à 96 500 dix ans plus tard et 102 600 en 2002, et surtout, le système, avantageux sur le plan des cotisations, a généré des abus et des fraudes de toutes sortes.

On trouve en effet des intermittents dans des entreprises de construction d'échafaudages, simplement parce qu'ils ont eu l'occasion de monter les gradins d'un spectacle, ou au standard de grandes sociétés audiovisuelles publiques et privées ou encore des « chanteurs de pianos-bars » dans les cuisines de certains restaurants...
Selon la CGT-spectacle, ce sont des centaines d'entreprises qui embauchent des milliers de salariés en échappant ainsi aux contraintes des contrats à durée déterminée.
La Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma (Fesac) évalue à 40 000 le nombre de faux intermittents. Les professionnels s'accordent sur l'urgence à faire un grand ménage dans la liste des allocataires et des employeurs pour ne garder que ceux qui y ont raisonnablement droit.

En attendant que soient prises des mesures, le système est de plus en plus contesté par le Medef, qui souhaite depuis longtemps le faire voler en éclats (voir encadré ???).

Dans son rapport annuel 2002, la Cour des comptes pointait du doigt une « dérive financière » de taille, les prestations d'assurance chômage versées au titre du régime des intermittents du spectacle ayant « plus que triplé entre 1991 et 2001 », pour atteindre 838 millions d'euros contre 100 millions d'euros de cotisations, soit un déficit de 738 millions.

La situation est sérieuse. Et ce, même si, dans le calcul ne sont pas pris en compte les 100 000 intermittents qui n’arrivent pas à boucler leurs 507 heures et qui n’ont donc pas droit à l’Assedic bien qu’ils cotisent, les « stars » du show-biz qui cotisent et ne sont pas sur les listes de l’ANPE, et les salariés permanents du spectacle et de l’audiovisuel qui cotisent dans le cadre d’un régime dit de solidarité… Arguer qu'il existe, au sein de l'Unedic, d'autres branches extrêmement déficitaires, auxquelles personne ne songe

Suite de l'article:   ICI

Je suis allé sur le site d'attac, il y a aussi un bon article.

 Il faudrait comparé avec d'autres sites, d'autres opinions,

 mais l'essentiel nous le connaissons...

Nous sommes depuis des années dans un système ou seul compte la rentabilité mais il me semble que ce phénomène montre, déjà, une crise économique... Nous raclons les fonds de tiroir...

Enfin peut-être... Cette idée est plus optimiste mais non rassurante.

Il y aurait beaucoup de choses à dire...

Nous devenons par ce fait un pays "pauvre".

Désindustrialisation, dépolitisation, décentralisation etc...

Avec ce phénomène de mondialisation, c'est aussi la notion d' "état" qui est remise en cause. Beaucoup de notions seront à redéfinir...

 

Christian Canot, Comédien(Compagnie Paridami)

  Septembre

Les nouveautés littéraires de la rentrée 

 Environ 700 nouveaux livres en concours. une abondance d'où ressort ette année un invité qu'on attendait plus dans la littérature française: l'humour
et un livre qui s'impose comme un des meilleurs

Allah Superstar de Y. B.

Ecrit dans la foulée de l'attentat du 11 septembre 2001 à New York et des turbulences électorales françaises du 21 avril 2002, le nouveau roman de Y. B. raconte l'ascension de Kamel Hassani, un jeune comique franco-algérien qui rêve de succéder à Jamel Debbouze. "Moi ce que je veux, confie tout de go son personnage, c'est soit star de cinéma, soit comique à la mode, soit au pire animateur populaire avec Télé 7 Jours. Mais pour les Arabes c'est plus facile d'entrer à Al-Qaïda qu'à TF1 à cause des quotas. Alors moi en tant que jeune d'origine difficile j'ai l'horizon bouché au niveau artistique. Je dis pas ça pour embêter la France comme quoi elle est raciste et tout, c'est juste qu'on est là et on dirait qu'elle regrette à cause qu'on lui a fait la guerre d'Algérie ou quoi. De là à dire le 11 septembre c'était bien, non. D'abord c'était super mal filmé et après si ça se trouve c'est les juifs, enfin de toute façon moi je suis contre la politique, je dis juste qu'en France, point de vue stars arabes, on dirait que rien que Jamel Debbouze il mange à sa faim. Smaïn aussi c'est vrai, mais lui il a un restaurant on m'a dit."

Allah Superstar
de Y. B.
(Paris, Grasset, 2003)

Allah super star est un drôle de roman, aux deux sens du terme: comique et étrange. l'histoire d'un mec, est-on d'emblée tenté d'écrire, un mec d'une cité d'evry, un certain kamel Hassani, 20 ans, qui, comme ceux de sa génération, a grandi avec l'idée que ce qui importait vraiment, c'était d'être célèbre- ne fût-ce bien sûr qu'un quart d'heure. Il a vite compris aussi qu'ici, lorsqu'on est basané, on n'a pas trop le choix pour devenir un people: soit on fait rire, soit on fait peur. Alors il a choisi de faire rire avec ceux qui font peur. de faire mourir de rire ceux qui, le reste du temps, prennent un malin plaisir à se donner l'impression qu'ils sont morts de peur. devenu Kamel Léon("l'animal qui prend les couleurs de l'époque"),il écoute les conseils de l'imam du coin-improvisé manager-met une fausse barbe et se déguise en Ben laden, histoire de rigoler un poil et de se payer, via une belle Fatwa, une top promo. Kamel éclatera et finira, on ne vous dit pas comment, sur la scène de l'Olympia.

Allah super star est un drôle de roman, donc: une vanne minimum par paragraphe pour se qui se donne littéralement à lire comme un one man show, selon l'expression française-soir en VO dans la langue de William Shakespeare et de Jerry Seinfeld, un texte de stand-up comedy.

On imagine déjà les académiciens en tout genre bouter à coups d'épée(dans le dos) ce rigolo hors du temple germanopratin de la littérature. Et, encore une fois, on se marre. car, en squattant une forme populaire sans jamais rien céder à l'ambition littéraire, Y.b. renouvelle le roman, comme Jim Jarmush ou les frères Coen le cinéma. Allah superstar  n'est pas la pocharde qu'à coup sûr certains snoberont, c'est un vrai roman d'idées qui malmène autant les français que le français-on n'avait, de ce point de vue, rien lu d'aussi radical depuis baise-moi, le premier despentes. c'est un polaroid de notre pays, le parfait négatif des images d'Epinal qui fleurent bon les bords de Loire au Moyen Age, et qu'affectionnent Jurés Goncourt et autres pseudo-nobliaux du Gers.

De la même manière qu'on a pu prétendre sans sourire que les auteurs des Guignols étaient les meilleurs éditorialistes du pays, affirmons le plus sérieusement du monde que, en cette année littéraire 2003, Y.B. s'impose comme le meilleur romancier de la France.         
Sylvain Bourmeau     
   

 

Octobre/Novembre

Les Créatifs culturels

de Sylvain Marcelli, envoi de Benoist Magnat

Les créatifs culturels

Entre des militants, qui oublient parfois de vivre, et tous ceux qui essaient de changer le quotidien de plus en plus morose et répressif par le vivre autrement, il y a des ponts qui souvent restent invisibles. Dans ce courriel adressé à 2168 internautes, il y a certainement au moins 80% de créatifs culturels.

Benoist Magnat

 Les militants nouveaux sont arrivés

 Par Sylvain Marcelli

 Ils sont des millions à vouloir changer le monde

 

Deux chercheurs américains affirment, au terme d'une longue enquête, que les pays occidentaux vivent actuellement un important changement de société. D'après eux, des millions de personnes prennent leurs distances, dans leur vie personnelle et sociale, avec la société de consommation. Ouverts aux valeurs de l'écologie, adeptes du développement personnel, soucieux de remettre l'humain au coeur de la société, ceux que le sociologue Paul H. Ray et la psychologue Sherry Ruth Anderson nomment les « Créatifs culturels » pourraient sauver la planète d'une destruction programmée.

Le scoop est énorme : aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, nous serions en train de vivre un profond changement de société, une transformation radicale de notre civilisation, sans en avoir conscience. A en croire l'émergence des Créatifs culturels, près de 50 millions d'Américains partagent des idées que l'on qualifie d'ordinaire d'"alternatives". Voilà qui s'avère sacrément réconfortant.

Voilà aussi qui permet de sortir du mythe, soigneusement entretenu par les militants professionnels, de l'éternelle minorité qui tente d'éveiller une majorité constituée d'abrutis avachis devant leurs télévisions.

Au terme d'une enquête de treize ans menée auprès de près de 100 000 personnes, l'équipe dirigée par le sociologue Paul H. Ray et la psychologue Sherry Ruth Anderson a identifié, au coeur de la société américaine, un courant culturel radicalement nouveau. Les chercheurs ont donné à cette population qui représenterait le quart environ des citoyens américains le nom de "Créatifs culturels". Un drôle de concept, qui sonne sans doute mieux dans sa langue d'origine, mais qui dit bien ce qu'il désigne : les "Créatifs culturels" créent au jour le jour, par leur manière de vivre, de penser, d'agir, une nouvelle culture, qui concilie le souci de l'écologie, le développement personnel et spirituel, le recours à une alimentation et une médecine saine, et des valeurs de tolérance et de respect.

Un nouveau Gulf Stream

Loin d'être «un ensemble éparpillé et sans cohérence de cœurs sensibles, de bons samaritains et de "moi d'abord"», les Créatifs culturels sont, d'après les chercheurs, «la manifestation d'une lente convergence de mouvements et de courants jusqu'alors distincts vers une profonde modification de notre société» : «C'est un peu comme si une centaine de rivières d'Amérique du Nord se jetaient dans l'Océan Atlantique. Chauffées par le soleil, elles créent un nouveau Gulf Stream qui s'étend jusqu'en Europe. A la surface, ce courant est presque invisible, parce que, contrairement aux rivières, il n'a pas de berges, pas de limites tangibles. En plein coeur de l'océan, au sein de ce courant, se développent des formes de vies tout à fait nouvelles. Il nous semble que c'est à peu près ce qui se passe actuellement dans notre société»: différentes influences sont en train de converger et cette convergence est à l'origine d'un grand changement général. »

Le point de vue de Ray et d'Anderson est celui de chercheurs en sciences humaines - et ça change tout. Mettant délibérément de côté les soubresauts de l'actualité, les deux auteurs prennent de la hauteur. Leur démarche tranche volontairement avec la vision développée par les médias» : «Il n'est pas surprenant que la plupart des politiciens, historiens et commentateurs, notamment des médias, ne comprennent pas vraiment ce qui se passe.» En effet, ces témoins et acteurs ont l'oeil collé à l'événement et n'accordent aucune attention à son contexte. Un exemple pris dans l'actualité récente illustre cette myopie»: le sommet de Johannesburg a montré combien les chefs d'Etat du monde ont une vision courte de l'avenir. Mais il ne reflète certainement pas la sensibilité des opinions publiques, beaucoup plus préoccupées que leurs mandataires par l'avenir de la planète. Or, les multitudes qui habitent cette terre ont plus de pouvoir que Georges Bush.

En raison de leur fonctionnement actuel, les médias ont les plus grandes peines du monde à adopter une approche transversale des problèmes. Ray et Anderson ont cette image amusante : «Comme Marlon Brando dans On the Waterfront (Sur les quais), les experts veulent savoir "qui sont les combattants du match ?"» Lorsqu'ils organisent un débat, les médias cherchent toujours à radicaliser les positions des uns et des autres pour mieux renvoyer dos à dos les points de vue.

Englués dans une logique de confrontation, ils sont dès lors incapables de rendre compte de ceux qui sont force de proposition. Il y a fort à parier que, s'ils n'avaient jamais organisé de contre-sommets, les militants pour une autre mondialisation ne seraient jamais apparus sur nos écrans. D'ailleurs, quel média parle de ces militants et de leurs organisations en dehors des grands rendez-vous contestataires»?

Une fausse marginalité

Voilà pourquoi les «Créatifs culturels» apparaissent très rarement dans les journaux et sont complètement ignorés des principaux acteurs de la vie publique. Deux autres grandes catégories sociales, selon Ray et Anderson, occupent le devant de la scène, dans une logique de confrontation. Les «Modernistes», en position dominante, agissent au nom du libéralisme et du progrès technologique et ne tiennent pas compte des répercussions que la course à la modernité peut avoir sur la planète. Ils ont «tendance à penser que la vie sociale et économique peut être résumée en chiffres»: recensement des populations et montants financiers. On discute des tendances de croissance dans toutes les publications, comme si celle-ci était ce qu'il y a de plus fascinant et de plus réel dans la vie de tous les jours. Or, derrière ces discussions se cache un présupposé très fort, même si généralement il reste inavoué»: la société et ses structures ne changeront pas.» S'opposent à cette vision du monde les «Traditionalistes» qui prônent un retour aux vieilles valeurs, à la tradition, aux habitudes et aux comportements du passé. Cette manière de diviser la population américaine offre une grille d'analyse convaincante des courants qui s'affrontent dans nos sociétés occidentales. Elle peut sembler caricaturale»; elle est, bien entendu, longuement étayée dans le livre.

Même s'ils sont invisibles, les Créatifs culturels ne viennent pas de nulle part»; il ne s'agit en aucun cas d'une génération spontanée. Ray et Anderson se sont penchés sur l'histoire des mouvements sociaux des cinquante dernières années pour en découvrir les racines. Une démarche salutaire. En effet, «les Créatifs culturels, comme tous ceux qui ont un véritable intérêt pour les évolutions de la conscience, se retrouvent confrontés à une situation qui rappelle celle à laquelle des générations de femmes artistes et écrivains ont été confrontés.

Personne n'ayant préservé l'héritage de ce que les femmes elles-mêmes écrivaient sur leur propre expérience, ce qu'elles avaient créé et pensé au cours des siècles, pour chaque nouvelle génération de femmes, ce fut comme si tout était à refaire, comme si rien d'important n'avait jamais été réalisé dans ce domaine. Des générations de femmes eurent à faire, à défaire et refaire encore la toile de leur compréhension du monde et d'elles-mêmes, à l'infini. Les Créatifs culturels aussi sont constamment obligés d'inventer et de réinventer les bases qui leur permettent de vivre comme ils l'entendent.» Prendre conscience qu'ils font partie d'une histoire leur permettra sans doute de ne pas répéter les erreurs de leurs aînés et donc d'avancer – en somme, de gagner une maturité.

 

Ray et Anderson expliquent avec finesse la manière dont le mouvement féministe, le mouvement pacifiste et le mouvement de libération des Noirs se sont imposés dans les années 60 sur la scène politique et sociale et ont imposé sur le long terme une autre façon de voir les choses. En effet, contrairement à ce qu'on affirme souvent, ces mouvements subsistent, de manière souterraine. Il ne suffit pas de ne pas les voir pour croire qu'ils n'existent plus» : «On connaît le début de l'histoire, mais l'on pense que ces décennies de grands rêves sont bel et bien révolues, passées, et dépassée, puisqu'on ne voit désormais plus rien de la sorte à la télévision. On ne se rend pas du tout compte de tout ce qui s'est produit ensuite - comment des mouvements pionniers, et ceux qui ont suivi, ont changé et modelé les vies de ceux qui sont les Créatifs culturels d'aujourd'hui. Et ainsi, les Créatifs culturels eux-mêmes, finalement, ne savent même pas que c'est en fait de là qu'ils viennent. Et comme tout peuple dépourvu d'histoire, ils s'imaginent être des marginaux, des étranges, des gens de l'extérieur, des "pas d'ici", comme les pièces d'un puzzle qui ne trouveraient pas leur place dans un ensemble qui a l'air tout à fait complet sans elles.»

Découvrir ses propres solutions

Nous pouvons avoir l'impression de vivre actuellement une période majeure de régression, alors que, sur le continent américain, le gouvernement Bush se montre particulièrement va-t-en-guerre et hostile à toute mesure pro-environnement, et que, sur le continent européen, l'extrême-droite progresse de manière inquiétante dans les urnes. Une autre lecture (plus optimiste) des événements consiste à penser qu'il s'agit là de tentatives désespérées de la part des mouvements réactionnaires de reprendre le contrôle d'une situation qui leur échappe. En effet, certaines questions aussi importantes que le danger nucléaire, la place des femmes dans la société, le racisme ou la qualité de l'alimentation, hier marginales, méconnues de l'opinion politique, sont devenues des préoccupations largement partagées par l'ensemble des sociétés occidentales. «Un bon nombre des problèmes sociaux qui étaient tolérés ou tout simplement admis avant les années 60 sont devenus de nos jours tout bonnement inacceptables, confirment Ray et Anderson. (.) quel que soit votre âge, vous serez probablement surpris de voir ce que l'on considérait comme "normal" aussi récemment que dans les années 50 ou 60.» A l'appui de cette affirmation, les chercheurs proposent une liste de comportements passés. effectivement assez stupéfiante»!

Il ne faut donc pas sous-estimer l'ampleur des changements :

«Contrairement à ce que l'on croit généralement dans la branche politique, la branche culturelle a au moins autant d'impact sur l'ensemble de la société, si ce n'est plus. Le problème, c'est que les médias, le gouvernement, les entreprises et même les universitaires ont tendance à toujours encourager cette croyance qu'a la branche politique de sa propre importance. En réalité, la force de la branche culturelle, qui permet de briser les sorts jetés depuis des générations, s'exerce à des niveaux nettement plus souterrains, mais tout aussi efficaces.» Les mouvements sociaux ont réussi à changer la société parce qu'ils ne sont pas contentés de vouloir changer les règlements»; ils ont aussi cherché à comprendre ce qui se cachait derrière ces règlements. En prenant leur distance avec l'ordre établi, les mouvements sociaux ont compris que «quand on cherche à changer la culture du passé, on ne peut pas se contenter des solutions qu'elle propose. Il faut découvrir ses propres solutions ou les inventer.» En effet, «résoudre de nouveaux problèmes avec d'anciennes méthodes n'est généralement pas très approprié».

«Il faut un certain génie pour réussir à nommer ce qui n'a pas de nom car si vous le faites avec sincérité et au bon moment, les millions de personnes qui jusqu'alors étaient totalement hypnotisées et stupéfiées par ce problème vont d'un seul coup se réveiller.» L'originalité et la force de Martin Luther King a été de casser le cadre traditionnel des revendications des Noirs américains en montrant à quel point la ségrégation raciale était contradictoire avec l'idée que les Etats-Unis se faisaient d'eux-mêmes. Il a ainsi pu rallier à sa cause une partie de l'opinion américaine. De même, le mouvement féministe a su interroger la société tout entière et remettre en cause les schémas culturels établis.

Choisir son camp

Le mouvement féministe impose à chacun de s'interroger sur sa manière de vivre son couple, parce que «le privé est politique». Comme le dit le chanteur et poète Julos Beaucarne (qu'on identifie sans hésiter comme un Créatif culturel)»: «Le militantisme est important. La déviation du militantisme, c'est d'aller à une manif pour la paix, et puis tu rentres chez toi, le bébé pleure, tu lui donnes une gifle...» L'un des héritages les plus importants des mouvements sociaux des années 60, c'est l'idée qu'en militant pour les autres, on milite aussi pour soi - et qu'on ne peut exiger des autres ce qu'on n'exige pas de soi-même.

Les Créatifs culturels décrits par Ray et Anderson portent la même attention au monde qu'à eux-mêmes. Ils n'ont pas l'impression de perdre leur temps lorsqu'ils cherchent à améliorer leur manière de vivre, à parfaire leur équilibre intérieur. L'équilibre global est le reflet de l'équilibre personnel»; à l'inverse, quand la planète va mal, l'homme souffre. Dans un texte consacré aux manifestations québécoises d'avril 2001, l'activiste américaine Starhawk témoigne de ce rapport inquiet entre l'intime et l'univers: «Dans la beauté des bois, dans la paix du matin lorsque je m'assieds dehors et écoute-les chants d'oiseaux, en chaque lieu qui devrait donner un sentiment de sécurité, je sens le courant qui nous mène vers une chute irrévocable, une catastrophe écologique/économique/sociale de dimension épique.»

Se battre pour la bonne santé de la terre nourricière, c'est aussi se battre pour sa sérénité intérieure. En somme, tout est dans tout. Il s’agit, au sens premier du terme, d'une vision profondément religieuse du monde»: «C'est là un aspect de ce que les Créatifs Culturels recherchent, écrivent Ray et Anderson»: une façon de se rappeler qu'ils ne sont pas seuls, une manière de tisser de nouveaux modèles, de nouvelles figures dans le grand tissu social, tisser des lignes de vie qui relient les générations entre elles.» L'imaginaire se voit assigné une fonction mythique que sa dilution dans le divertissement tend à faire oublier.

Se changer soi-même

Les Créatifs culturels espèrent voir naître ce que Julos Beaucarne nomme joliment «un monde télépathiquement épatant»»: «On est tous de la même matière que l'univers, affirme le poète. On choisit ce qu'on écoute, ce qu'on mange, on est ce qu'on mange, on choisit son camp, on choisit des musiques diaboliques ou des musiques qui nous construisent. Choisir son camp, c'est d'abord peut-être un grand principe : il y a une loi, qui n'en est pas une, c'est qu'il y a le positif et le négatif. Dans tout ce qui flotte autour de nous, il y a beaucoup de choses négatives qui peuvent entrer dans notre peau (.)Parce que le psychisme est terriblement puissant. On envoie des pensées tout le temps dans l'espace. On peut envoyer des pensées négatives, sur quelqu'un par exemple, il peut se casser la pipe en descendant l'escalier parce qu'il est fatigué ce jour là. On peut envoyer de l'amour aussi. C'est là où on choisit son camp.»

Cette manière de voir le monde est souvent caricaturée sous le terme New Age. Il est facile de se moquer de ces gens qui passent leur temps sur un tapis de yoga en mangeant de la nourriture végétalienne au son d'une musique relaxante»; «il est facile de s'arrêter uniquement aux excès de la vulgarisation, la spiritualité "syncrétique" et la psychologie de comptoir dont certains médias adorent se gausser. Mais confondre ainsi la surface du mouvement et sa substance profonde est une erreur. (.) il est nécessaire de bien faire la différence entre la masse croissante de ceux qui sont à la recherche de nouvelles sensations, d'un parfum nouveau pour leur vie ou de quelque chose d'authentique d'une part, et d'autre part les adeptes de longue date qui ont appris petit à petit à vivre une vie "authentique", à transformer

leur vie en profondeur en fonction de ce qu'ils ont appris.» En effet, «on peut se mettre à de nouvelles idées, s'initier à de nouvelles techniques ou se trouver un nouveau hobby en quelques semaines, mais il faut des années, voire des décennies pour se changer soi-même.»

L'articulation entre l'activisme social et la recherche d'un équilibre intérieur, évidente pour tous les Créatifs culturels présentés dans le livre, n'a pas toujours été évidente. Paradoxalement, dans les années 60 et 70, il fallait choisir, établir un ordre de priorité»: «Tandis que les militants politiques manifestaient contre la bombe, les hippies gobaient des acides, résument Ray et Anderson. Tandis que des étudiants faisaient des sit-in devant des restaurants racistes du Sud, d'autres écoutaient sagement les enseignements du zen. Et tandis que des femmes se rassemblaient en groupes de prise de conscience, d'autres apprenaient les techniques des médecines douces ou les massages traditionnels. Tout au long des années 60 et 70, les explorateurs de la conscience et les activistes sociopolitiques donnent l'impression de deux pôles opposés. Et bien qu'il y eut quelques altercations, dans l'ensemble ils s'ignoraient plutôt les uns les autres. Chaque mouvement se voyait comme l'apothéose de ce qui était essentiel dans la vie».

"Je ne veux pas être Spartacus"

Bon, il ne faut quand même pas rêver»: les militants-militaires, qui oublient de vivre pour mieux sauver le monde, existent toujours. Le journaliste tunisien Taoufik Ben Brick décrit «ces militants professionnels, qui triment pour la bonne cause avec une allure grave, et qui ont une sorte de mépris pour tout ce qui ne leur ressemble pas»»: «Ils veulent que ta subjectivité rentre dans leur moule. Il y a finalement chez ces gens-là un côté conservateur, conformiste»: selon eux, on n'a pas le droit d'aimer la nuit, d'aller voir du côté des petites choses de la vie. Pourquoi y a-t-il un militantisme puritain, ascétique, merdique»? Est-ce qu'il faut forcément avoir été bouffé par la vie de chien que l'on nous a fait mener»? Ce sont des gens qui ont oublié les valeurs du poète»! La liberté, il faut l'arracher chaque jour de la vie.» Ben Brick incarne, par sa verve, son ironie, sa poésie, un autre idéal de militance»: «Je ne veux pas être Spartacus. Je ne veux pas être un porte-parole. Je veux être un troubadour. Je suis libre, de la liberté violente de celui qui s'enivre. On m'accuse d'être excessif, mais je ne peux qu'être excessif. Cette liberté peut me nuire, mais je me régale. Je veux que ma parole soit du côté de la vie contre l'ordre, qui est une folie.» (Charlie Hebdo, 22/11/2000)

A l'image de Ben Brick, les Créatifs culturels refusent de sacrifier la complexité de la vie au nom d'un idéal politique pur et peut-être inaccessible. Ils n'attendent pas la révolution demain, ils la font aujourd'hui. A la différence de ces anars qui annônent les œuvres complètes de Bakounine en attendant l'Insurrection qui a encore raté le train, les Créatifs culturels mènent une insurrection personnelle jour après jour. Leur combat, c'est des petits riens, mais ces petits riens changent leur vie, la vie de leurs proches, et par extension la vie du monde entier»; moins spectaculaires que les révolutionnaires professionnels, ces nouveaux militants ont remplacé la rhétorique par l'action.

Dès lors, les revendications ne sont plus les mêmes. Exit le culte de la Révolution qui a fait tant de ravages - qu'elle ait eu lieu et débouché sur l'improbable dictature du prolétariat ou qu'elle soit toujours reportée aux lendemains qui n'en finissent plus de chanter.

Adieu, les mirages, maintenant il s'agit de se coltiner au réel. La révolution devient quotidienne. Exit les ennemis du peuple ou du parti, il n'y a pas besoin d'ennemi tout-puissant pour éprouver sa propre puissance. Que vive la «rêvolution»»!

Do or die

Les Créatifs culturels se définissent d'abord par ce pour quoi ils militent»: «les bases de l'identité collective se sont déplacées, écrivent Ray et Anderson, glissant de la "contestation" vers une vision plus positive et volontariste des choses, de l'activisme et de l'avenir. Il a fallu presque deux décennies pour que les mouvements "contre la guerre" deviennent des mouvements "pour la paix", ou pour que les mouvements féministes finissent par se détacher des accusations et de la haine systématique envers les hommes pour mieux se(re)définir de façon affirmative, en fonction de ce pour quoi elles étaient.» Il s'agit d'inventer une nouvelle manière de vivre. Le terme, archi-usé, d'alternative reprend ici tout son sens. L'utopie devient enfin concrète.

D'après Ray et Anderson, la terre vit une époque de transition. Plusieurs scénarios sont possibles, qui vont de la destruction pure et simple de la planète (si le modernisme libéral continue à faire des ravages) à la mise en oeuvre d'une nouvelle culture soucieuse de ce qu'elle laissera en héritage «à la septième génération à venir». Tout peut arriver, expliquent les chercheurs»; il est probable d'ailleurs que les prochaines années voient l'humanité osciller entre ces deux scénarios extrêmes. Comme le disait Martin Luther King»: «Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères ou périr ensemble comme des idiots». En anglais, une expression lapidaire résume le choix qui se présente à nous»: «do or die», agis ou meurs.

Or, estiment les auteurs, si les Créatifs culturels ne prennent pas conscience de leur force, s'ils ne se comptent pas, s'ils sous-estiment leur influence, s'ils ne comprennent pas qu'ils sont en mesure de faire évoluer la manière de voir le monde de ceux qui les entourent, le scénario le plus pessimiste risque de se vérifier. «Ce qu'il faut, concluent les chercheurs américains, abandonnant le ton du constat, c'est que chacun d'entre nous, avec ses qualifications particulières, ses savoirs et sa sagesse les plus précieux, sa curiosité, son empathie et son intelligence, s'implique. (.) Le nouveau discours qui se met en place, la nouvelle histoire que nous sommes en train d'écrire demandent des dizaines de milliers de conteurs, et deux fois plus encore de personnes qui s'en inspirent.(.) On peut dès maintenant se mettre à imaginer une culture qui ait suffisamment de sagesse pour réussir à trouver son chemin et effectuer cette traversée jusqu'au bout, et réfléchir au rôle que nous voulons jouer dans ce processus. Ce n'est que le premier pas.»

Dans un texte écrit peu après les attentats contre les Etats-Unis, Starhawk annonce»: «Il est possible que la chose la plus radicale que nous puissions faire en ce moment est d'agir à partir de notre vision, et non à partir de la peur, et de croire en la possibilité de sa réalisation. Toutes les forces autour de nous nous poussent à baisser le rideau, à nous isoler, à faire retraite. Au lieu de cela, il nous faut avancer, mais de manière différente. Nous sommes appelé(e)s à faire un saut dans l'inconnu.»

Sylvain Marcelli

http://www.onnouscachetout.com/themes/societe/creatifs-culturels.php L'émergence des Créatifs culturels, enquête sur les acteurs d'un changement de société, Paul H. Ray, Sherry Ruth Anderson, éditions Yves Michel, 2001 (publication aux Etats-Unis : 2000).

  

Décembre

Pause détente Anti brouillard

 

 

Après l’intelligence émotionnelle, voici la «médecine des émotions».

Biographie

Après des études de médecine et de psychiatrie, David Servan-Schreiber s’est tourné vers la recherche fondamentale en neurosciences cognitives. Il est ensuite revenu à la pratique clinique tout en poursuivant ses travaux sur la neurobiologie des émotions. Après vingt ans passés aux États-Unis, où il a contribué à fonder puis à diriger le Centre de médecine complémentaire de l’Université de Pittsburgh, il réside aujourd’hui en France.

 

En moins de vingt ans, les neurosciences et la psychologie ont connu un bouleversement radical. Notre cerveau «émotionnel» est bien plus que le vestige encombrant de notre passé animal: maître de notre corps et de nos passions, il est la source même de notre identité, des valeurs qui donnent un sens à notre vie. Qu’il se dérègle un tant soit peu, et celle-ci part en lambeaux…
David Servan-Schreiber nous convie ici à la découverte des conséquences pratiques de cette révolution : une nouvelle médecine des émotions sans médicaments ni psychothérapies interminables. Mêlant étroitement son expérience clinique et ses compétences de chercheur, il a choisi de présenter sept méthodes particulièrement efficaces, dont certaines entièrement inconnues du public français: intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires (EMDR), régulation du rythme cardiaque pour contrôler les émotions, synchronisation des horloges biologiques, acupuncture, exercice physique, apport d’acides gras «oméga-3», techniques de «communication affective».
Sept voies permettant à chacun de reprendre en main les rênes de sa propre vie, et de ne plus être un étranger pour soi – ni pour les autres…

Pour en savoir plus sur David Servan-Schreiber, connectez-vous sur son site Intern
et : www.servan-schreiber.com/ddss/
Pour en savoir plus sur cette nouvelle méthode révolutionnaire, connectez-vous au site
www.guerir.fr