Confluences

 

 

A OLGA  de Xavier Trobas

Un soir de solitude, par une nuit sans lune,
De ma fenêtre, esseulé, je comptais les mégots,
Dans mon cendrier me rappelant que je fume,
Pour passer les heures noires et bleues d'une vie loin des dunes.

D'une fille des rues, le souvenir de son corps,
Des plaines de l'Est, le loup qui sommeille,
Avait vu le réveil, qui d'une pensée et d'un appel,
Se rapprochait de l'âme humaine.

Ne sachant où aller, dans cet univers carcéral,
Où le froid et l'acier l'emporte comme une lame,
De la chaleur, sa tendresse s'était fait un manteau,
Qui déambulait chaque nuit dans un torrent animal.

Tu ne pourras te sauver, Olga, aux yeux d'émeraude,
L'amitié, et l'amour, ne peuvent t'atteindre,
Car interdite tu es par la folie des hommes,
Aux plaisirs simples d'une vie commune.

De ton ami sincère, tu ne ne peux rien attendre,
Prisonnier qu'il est des craintes et des doutes,
Que des brutes sans nombre jettent sur les routes
De ton destin, le rendant pareil à une nuit sans fin.

Mon coeur, mon âme, et mon corps te réclame,
Dans l'autre monde, nous aurons notre place,
Toi à droite de Dieu, car tu es sa fille,
Son ange déchu que jamais il ne laisse.

L’éclipse

 

 

Pour la dernière année du deuxième millénaire,

La lune avait obscurcit l’astre solaire,

L’ayant recouvert de son diadème rond,

Comme pour mieux absorber ses rayons.

 

L’éclipse hallucinée des millions de curieux,

A l’heure de midi une multitude rassemblée,

Contemplait sans l’oser cette unique nuée,

Qui de minutes en minutes alourdissait les cieux.

 

Pressentant soudain dans leurs forts intérieurs,

Que jamais plus ne verrait pareille saison,

De longs jours durant l’atmosphère sans raison,

Miracle de la nature ouvrait tous les cœurs.

 

Nous étions pareils à des jouets en couleurs,

L’univers cosmique a portée de nos mains,

Tandis que nos yeux devant croire les lueurs,

Etaient d’avantage ceux de petits humains. 

 

Parler d’un temps de paix en ce vendredi d’été,

Doubler à l’envie les grisailles de vitesse,

Je me rendis gaiement goûter à l’ivresse,

D’une bière bien fraîche à l’ombre d’un café.

 

Au nom d’Odessa celui-ci répondit,

Exotique nom qui évoque la Russie,

Dans ce quartier de Montparnasse,

Où longues sont mes années qui passent.

 

Près des murs d’un cimetière qui m’est familier,

J’ai parfois coutume d’y retourner flâner,

De mon cœur y humer l’atmosphère,

La lourdeur se dégage de ses terres.

 

Parcourant du regard les personnes attablées,

J’observe un instant la terrasse du café,

D’une brune aux yeux noirs l’incertain espoir,

Quelque chose se passerait dans la magie du soir.

 

De cette semaine si folle aux allures de jamais,

Un miracle se produit qui d’obscur hasard,

Allait me rapprocher de la femme aux yeux noirs,

Lumières d’arc en ciel aux reflets de regrets.

 

Mon regard insistant de l’envie lui glissa,

Elle fit signe au garçon d’approcher ses pas,

M’offrir à boire la femme désirant,

Un messager d’Eole aux ailes du vent.

 

Ton message au goût frais de ton sourire,

La mousse me remis en y trempant les dents,

Sans pouvoir résister de m’asseoir en riant,

Pénombre faiblissant d’une saveur d’élixir. 

 

Chaque mot échangé inexorablement rapprochait,

Papillons des yeux  comme des flammes s’attiraient,

Brasiers dans lesquels ayant collés nos ailes,

Ne pouvant s’envoler s’y noieraient vers le ciel.

 

D’une voix enchanteresse tu faisais des bombons,

Tes paroles chaudes senteurs sucrées de miel,

Chuchotaient en vibrant à mon âme en foison,

Attractive mélodie aux couleurs du soleil.

 

Chacun de tes mots me disait une caresse,

Tes lèvres m’offraient des baisers de grenat,

Milles perles de carats au goût d’allégresse,

Ton sourire brillait et portait ton éclat. 

 

Tu n’étais pas le fruit d’une éducation française,

Peuplée d’un ailleurs où ceux qui voulaient prendre,

Vers la vie se tournaient plutôt que de se rendre,

Une rose insouciante du nouveau monde éclose.

 

Ma main sur ta cuisse aimait s’attarder,

Plus qu’un frôlement, c’était une caresse,

Plus qu’affleurant, c’était une osmose,

Explorant des contours la nuit que j’ose.

 

Les devoirs sans joies s’amoncelant sans cesse,

Sans jamais de merci, sans jamais de jouissance,

Avaient transformé mon cœur à longueur de patience,

En un reptile froid qui jamais ne se presse.

 

Tu me recouvres tel qu’un oublié,

Vibrant des formes du désir,

Les battements de nos cœurs réunir,

Du meilleur de moi je t’ai porté.

 

L’amour et l’amitié,

N’avaient pas disparus,

Seulement sommeillés,

Plus longtemps que je crus.

 

Un champagne prit vers le méridien,

Nos pas vers ton hôtel ont guidé le chemin,

Nos mains jointes craintes de se lâcher,

Peur d’un instant le miracle se briser.

 

Ta chambre m’a bercé dans la voie lactée,

Dont j’avais perdu et l’odeur et le goût,

A l’avoir sur la tête par trop habitué,

Oubliant bien souvent sa saveur et son coût.

 

Ton corps était de feu,

Une lave incandescente,

Des pieds à la tête,

Tu respirais la santé.

 

L’amour d’un déluge sans fin,

Accompagné de rasades de vin,

Malgré que je ne sache alors,

Partir vers un ailleurs en or.

 

Vécu tout ce temps, croyant tout savoir,

Ta vérité m’a frappé plus nu,

Qu’au monde le nourrisson venu,

Tes grands yeux clairs pour me voir.

 

Tes baisers des brûlures à hurler,

Tes seins des balises en formes de bouées,

Que le noyer aime s’y accrocher,

Tes jambes autour de moi nouées.

 

Epousant de nos corps les moindres mouvements,

Nous n’avons pas lutté, et sans aucun effort,

Compléments parfaits de nos deux sentiments,

D’une pléiade de fées apporte le réconfort.

 

Attirée sur nous l’extase de la vie,

Eternelle recherche si peu satisfaite,

Aux plaisirs réunis d’une femme,

Par trop rare un homme se fait fête.

 

De nos corps goûter la jouissance,

Montagnes, sources, et vallées,

Explorer à loisir de douces voluptés,

Naissances de mutuelles connaissances.

 

Parcourant nos êtres d’écumes de frissons,

D’extases multicolores aux poissons volants,

De papillons géants aux formes d’éléphants,

Rouge comme ta bouche ouragan de mousson.

 

Apprendre à donner,

Donner à apprendre,

Lentement, L’harmonie,

Doucement, tendre violence.

 

La nuit nous a trouvé d’un sommeil endormi,

L’un en l’autre de bonheurs assoupis,

D’avoir tant reçus et tant partagés,

Quelques heures avant nous étions étrangers.

 

Comment se fait-il,

Que ce mystère,

Inoubliable fut-il,

Existe sur terre.

 

De bonne heure le matin,

Un avion t’enlevait,

Le monde s’envolait,

Me laissant orphelin.

 

A peine connus nos noms,

Bien plus nos prénoms,

D’amour tellement remplis,

Le bonheur de nous vit.

 

Dans le matin gris,

Aux couleurs de la nuit,

Inconscient me levait,

Une autre rejoignait.

 

D’une vie raisonnable j’avais courbé l’échine,

Beaucoup trop souvent pour relever la tête,

L’âme aux regrets d’obligations surfaites,

Des amours passés restent les épines.

 

Comme si nos pas pouvaient devenir,

Comme si nouveaux pouvaient revenir,

Cette vie bien trop courte dans l’essai,

Qu’alors mon esprit ne savait.

 

Pensées glacées d’un amour qu’on étouffe,

Chercher ton nom seulement murmuré,

Dans le vent pouvoir rattraper ton souffle,

Dans l’océan le son de ton pas retrouvé.

 

Savoir d’où tu viens,

Ne pus réussir,

Alors de ton souvenir,

Me fis le gardien.

 

Le même jour, le même été,

L’année d’après, au même café,

La même heure transporta nos pas,

De l’avoir ressentis, nous étions là.

 

Je ne rêvais pas, c’était toi ma Nancy,

Surprise de me voir pourtant ne l’étais pas,

Comment savais-tu, comment l’ai-je su,

Une certitude des pensées et des sens nous guida.

 

Simplement Paris s’écoulait,

A l’Odessa de Montparnasse,

Tout joyeux cela était,

Une année d’une seconde valse.

 

Entre nous le lien des mots se joue,

Des années et du temps assassin,

Aux premières heures des fous,

Nous avons glissé du soir au matin.

 

De l’amour humain nous avons explorés,

La force de nos vagues nous laissant emportés,

Délivrance intime de nos corps fiévreux,

Des tourbillons de chaleur qu’a duré ce mieux.

 

Plaisirs divins qu’encore je respire,

Les paupières closes de mes souvenirs,

Faciles de m’atteindre sont devenus soupirs,

Au rouge marqué du plus chaud de ton empire.

 

Les années ont passées et rien ne me lasse,

Je pense sans cesse à ces instants magiques,

Dans ce café aux couleurs extatiques,

Mille fois toute entière notre nuit m’enlace.

 

Temps impossible à suspendre,

Accord parfait d’amour trop fort,

Comme l’éclipse tu m’as fait comprendre,

Ne te verrai avant les jours de mort.

 

A toi l’avenir de jamais t’appartiens,

Réclames un jour qu’aussitôt je viens,

Crée les desseins de l’avenir de nos vies,

Parce que maintenant j’ai compris.

 

 

 Xavier Trobas                          

     

 

 


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