Visions Outrepassées
J’ai vu des
châteaux nains déversés de noirs
destins sur d’étranges rêveurs ; j’ai
vu des colonies de sombres couleurs écartelées
d’ennui et d’horreur et, là-bas, dans d’improbables
pays, j’ai vu des filles aux cheveux de brume écarter
les cuisses sur les comptoirs du Désir :
d’avenants jeunes gens venaient embrasser leur sexe
béant en pleurant comme des nouveaux-nés.
Oh ! J’ai vu tant de soleils s’éteindre
que toute obscurité m’est une lueur, toute clarté
une vive lumière.
J’ai vu des veuves éplorées
étreindre leurs souvenirs dans de vieux élans
somptueux : leurs doigts crochus déchiraient
le voile opaque du Temps et, jaillissant comme une lave
éteinte, un flot de néant se répandait
comme une nuit horrible sur leurs visages endeuillés.
Pourquoi sont-elles devenues ces momies larmoyantes ?
Nulle âme ne soutient
nulle vie !
Nulle âme ne soutient
nulle vie !
J’ai cru moi aussi aux
promontoires des bonheurs possibles, j’ai voulu moi
aussi me hisser sur les terres surélevées
d’un amour impérieux, mais, retombé, je
me suis retrouvé dans les lagunes tristes d’une
vie blanchie par la Banalité.
Dans cet exil quotidien,
j’ai senti le silence s’enroulé autour de mon
cou comme un invisible foulard étrangleur.
Dans les repentirs violacés
assombrissant le ciel, j’ai cru discerner le ruban sanguinolent
d’un cordon ombilical. Mes origines ? Ma Mémoire
d’Avant ? Ma Mère ?
Non ! Cette vision
hallucinée est la forme sous laquelle me revient
un souvenir révoltant : celui d’une jeune
femme qui urinait sur ses rêves pendant que des
hommes sans scrupules la prenaient violemment ;
en accomplissant cet acte bestial, c’est plus de deux
mille ans de cauchemar qu’ils projetaient d’éjaculer
dans ce corps-dépotoir.
J’ai traversé
des régions dévastés par des cris
d’hommes et de femmes condamnés à être
hantés par de vieux rêves écroulés
qui pourrissaient dans leur cœur.
J’ai rarement vu la Beauté.
Peut-être n’est-elle que le visage assoupi de
la Laideur lorsque celle-ci, fatiguée de son
règne sans partage, s’endort un instant sous
le scintillement blafard de quelques étoiles
égarées.
D’où nous vient
cette immense solitude ?
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