Confluences

 

 

 

 

 

 www.matthiasvincenot.net  Matthias Vincenot est un jeune poète ayant publié plusieurs recueils et, avec Jean-Luc Favre, une anthologie des nouveaux poètes français préfacée par Jean Orizet.

 

 CROIRE QU'ON EXISTAIT

Il y a ce murmure
Ce murmure incessant, répété, éternel
Il y a ce vide assourdissant
Il y a ce coeur impavide, insensible
Il y a ce coeur inexistant
Il y a ce murmure
Il y a ces mots démodés, incertains
Ces mots qui nous raccrochent à plus rien que nous-mêmes
Et ce monde écrasant
Et puis ce qu’on invente, ce qu’on crée, ce qu’on croit
Mais on crève
Dans le temps qui nous brise, nous nourrirons le monde
Nous resterons ensemble avant ça
Nous nous murmurerons des mots sans intérêt
Et sans éternité
Nous n’avons pas longtemps pour prolonger le rêve
Celui de croire qu’on existait

Extrait de La Vie, en Fait...

     

 

 

 

 

RESTER SOI


Ne deviens jamais
Un objet, un marché, un produit
Un personnage de comédie
Un badaud prévisible
Un passant anonyme
Tristement formaté

Il faut regarder cet enfant
Qui se moquait des grands
Dans son regard fragile
Il y avait
Du mépris pour les imbéciles
Et des bêtises à inventer
Pour qu’ils enragent et puis
Que lui se mette à rire

Ne deviens jamais ce qu’ils veulent
Reste libre et sensible
Et défie-les tout seul
Rien qu’en t’apercevant
De ce qu’ils vont construire en disant « liberté »
Les empires qui s’étendent, ce qu’ils vont absorber
Et toi qui resteras plus rien qu’un coeur de cible
Mais au moins le sachant

Il faut regarder cet enfant
Cet enfant c’était toi
Il savait résister
A ceux qu’il n’aimait pas
Il se battait parfois, s’écorchait les genoux
Dès lors qu’il se sentait
Rabaissé, humilié
Rabroué de partout

Mais ne deviens jamais le clone qu’ils fabriquent
Ils veulent te connaître, que l’homme soit normé
En un modèle unique
Ils ont tout étudié, en tout cas ils le pensent
Ils ont tout racheté pour te mettre en confiance
Reste un peu à l’écart
Et souris comme avant

C’est ta vraie liberté
De rester cet enfant
Qui se moquait des autres et qui n’était pas dupe
De ce que lui cachaient les adultes
Rien n’a vraiment changé
Le mépris seulement est de l’autre côté


Extrait de Escapades (éditions Lettres du Monde, 2002)

       

 

 

 

 

DEUX MINUTES ENCORE

Attends
Deux minutes encore
Ecoute
Un air de jazz imaginaire
Qui me surprend aussi
On se détend
On s’oublie

Des fois des bateaux passent
Des fois des ombres glissent

Entends les yeux fermés
Les bruits qui s’évaporent
Etends ton corps bercé
Laisse-moi tout lui faire
Te plaire

Attends
Deux minutes encore

Des fois des gens s’embrassent
Des fois des enfants glissent

Pour entourer nos corps
Le sable a sa manière
Sans y toucher vraiment
Que sa chaleur qu’on sent
Et sa douceur, infiniment...

Bientôt le soir
Mais reste encore

Le chant des oiseaux rares
Des oiseaux de la mer

C’est vrai qu’il se fait tard
Qu’il va falloir rentrer
Donne-moi ton regard
Mes yeux vont s’y noyer
Continuons l’histoire
Laissons-nous tournoyer
 
Extrait de Escapades (éditions Lettres du Monde, 2002)

 

 

 

 

NOS OMBRES

Enfumées
Dessinées
Par les volutes
Enfumées, nos ombres
Etaient pâles d’avoir trop fait, trop bu
Un soir d’éternité
Lentes
Brûlantes
Délaissées par le monde
Et pas mécontentes
D’êtres seules ce soir d’été
Dans un bar d’éternité
Des ombres, rien que des ombres
Nous nous dessinions, nous nous découpions
Sur des murs trop sales
Nous nous désirions, nos ombres savaient


Extrait de Escapades (éditions Lettres du Monde, 2002)

 

 


Accueil