Vendredi 1er juillet 2005, escapade à Montmartre.
Je chante dans un nouveau club parisien très sympa, dans un quartier où il fait bon traîner et où on a  l'impression d'être un touriste en goguette.
Autour de midi...et minuit - Concert à 22 h - 11 rue Lepic - 75018 Paris - Tél. 01 55 79 16 48
(entrée 10 euros, tarif réduit, participation 5 euros si dîner au restaurant qui est comme on les aime - ndla qui l'a testé pour vous)
www.autourdeminuit.fr
 

Samedi 2 juillet, week-end archéologique.
Dans le cadre du festival Jazz à Vienne (France)
18h00. - Je donne une conférence "Je chante donc j'écris" au musée archéologique, pour Lettres sur cour - Tél 04 74 85 07 27
20h30  - Je vais écouter Pat Metheny au théatre antique
23h30 - Telle Cendrillon, je cours au Club de Minuit donner mon concert, toujours accompagnée par Benoit de Mesmay, Médéric Bourgue et Alain Debiossat.
0h30 - Pat nous rejoint pour la Jam Session.
Entrée libre et gratuite - Tél. 08 92 70 20 07
www.jazzavienne.com 
 
Lundi 4 juillet au vendredi 8 juillet, apprentissage du chantage.
J'anime un stage de chant à La Clef, 46, rue de Mareil - 78100 St Germain en Laye - 19 h à 22 h - infos 06 07 28 16 44
 
Si vous ratez tout ça, les pieds dans l'eau, écoutez la radio.
Je vous en dirai plus bientôt.
Bien cordialement,
Elisabeth Caumont--

l'approche de sa série de concerts à l'ARBUCI, nous avons saisi l'opportunité que fournit cette occasion exceptionnelle de voir « la diva qui dit « viens » » sur scène, pour poser quelques questions à Elisabeth CAUMONT, immense chanteuse oscillant entre jazz et chanson : son parcours, et lien avec nous, ses impressions, collaborations, intentions, bref, tout ce qui nous la rendra encore plus proche.
Le 3 et le 4 juin 2005 à 22h00
25 rue de Buci 75006 Paris - Métro : Odéon
(et aussi à AUTOUR DE MIDI... MINUIT le vendredi 1er juillet 2005, et dans le cadre du festival JAZZ A VIENNE le 2 juillet 2005)

DINOSAURS : Elisabeth, es-tu heureuse de rejoindre ma galerie de portraits ? Pourquoi ?
Elisabeth CAUMONT : Je suis honorée de rejoindre ta galerie de portraits parce qu'y figurent des personnes fort intéressantes. Te dire que c'est un plaisir serait mentir. Je ne vais pas d'emblée commencer par mentir. Je t'avoue que je n'aime pas beaucoup me faire tirer le portrait ni les vers du nez. C'est bien parce que c'est toi...

D. : Je suis heureuse que tu te sois laissée prendre au jeu de l'interview. Aimes-tu les situations qui te mettent en danger ? Pourquoi ?
EC : J'aime les situations qui me mettent en danger. Ca m'excite. J'aime pousser toujours un peu plus loin les limites que je crois définies. L'interview n'est pas quelque chose qui peut me mettre en danger. Si ce n'est le danger d'être trop franche. Nous sommes souvent confrontés à ce dilemme : répondre ce qu'il est convenu de répondre ou dire ce qu'on aurait vraiment envie de dire. Il est convenu qu'un artiste tel que moi doit être heureux qu'on s'intéresse à lui.

D. : Tu vas faire cette série de concerts dans des jazzclubs parisiens. Quels seront les musiciens qui t'accompagnent ?
EC : Benoît DE MESMAY au piano, Médéric BOURGUE au violoncelle et à la batterie, et Alain DEBIOSSAT à tous les instruments qui lui passent dans les mains, de basse à flûte.

D. : Quand les as-tu rencontrés ?
EC : Il y a fort longtemps. Benoît et moi avons fait nos débuts ensemble. Il jouait alors avec Alain que je côtoie sur disque depuis toutes ces années. J'ai connu Médéric plus récemment.

D. : Pourquoi ce désir de revenir à tes premières amours ?
EC : Parce que je crois que, comme en amour, l'instinct qui vous fait vous rencontrer reste fiable et aussi parce que j'ai une sensation d'oeuvre commune entreprise qui n'est pas terminée. J'aimerais bien que nous parvenions dans les dix années qui viennent à composer une chanson universelle.

D. : C'est quoi pour toi une chanson universelle ?
EC : Je vais corriger et je dirai plus modestement un classique de la chanson française. Je réduis l'univers aux pays francophones qui m'intéressent. Benoît m'en voudra sûrement d'avoir ce genre d'ambition, lui qui souhaiterait peut-être composer une sorte de « My way », alors que je me contenterais d'avoir écrit « Comme d'habitude ». Plus sérieusement, je rêve d'une chanson simple qui puisse toucher simplement et qu'on emmène partout avec soi.

D. : Alain DEBIOSSAT, le multi-instrumentiste, apporte un univers différent, comme un parfum de musique du monde. Pourquoi l'avoir choisi ?
EC : Je lui ai demandé conseil pour un troisième musicien polyvalent et ouvert et surtout sensibilisé à la forme particulière qu'est la chanson, et à ma grande joie, et à ma demi-surprise, il a postulé pour remplir ce rôle.

D. : Je t'ai connue alors que tu jouais au sein du trio TRAVELLING JAZZ, avec Michel PEREZ à la guitare et Pierre-Yves SORIN à la contrebasse, qui fait se marier chanson et cinéma au travers de reprises ? INDIA SONG, LES DEMOISELLES DE ROCHEFORT... - dans un univers de chansons peut-être plus traditionnel. Où en es-tu de ce trio ?
EC : Ce trio est encore en activité. Il est dommage que nous n'ayons pas trouvé, depuis toutes ces années, quelqu'un pour le promouvoir. Car c'est un spectacle à la fois facile et riche, je crois, et susceptible de toucher un large public, aussi bien amoureux du cinéma, que du jazz et de la chanson. Je m'amuse à dire que Pierre-Yves est le jazz, Michel, le cinéma et moi, la chanson.

D. : A l'extérieur de ce projet, tu écris tes textes et revendiques très fort l'utilisation du français dans le jazz. Ca te met parfois en porte-à-faux. Pourquoi te sens-tu mal-à-l'aise en tant que « chanteuse de jazz » ?
EC : Ce n'est pas réellement à moi que cela pose problème. Je ne suis pas mal-à-l'aise dans la place où je choisis d'être. Les gens qui me font l'honneur et le plaisir d'aimer mes chansons n'éprouvent pas le besoin de m'étiqueter. S'ils aiment mes chansons, c'est chacun pour des raisons qui leur sont personnelles. Certains les aiment parce qu'ils les trouvent très jazz, quand des spécialistes me reprochent de ne pas l'être suffisamment. Ce n'est qu'un problème de calibrage, je sais que cela paraît très prétentieux de dire « prenez-moi comme je suis et inventez une case pour moi si c'est nécessaire ».

D. : Penses-tu que les genres soient cloisonnés ?
EC : Mon amour pour la musique ne pose aucune cloison. J'aime la musique avec un grand M, mais il faut bien que les spécialistes fassent leur travail et justifient leurs émoluments.

D. : J'écris et compose par cycle. Quand ça vient, ce qui est assez fréquent, un projet de disque est bouclé en quinze jours. C'est très fatiguant, et je recule le plus possible l'échéance . Comment procèdes-tu pour faire des chansons ?
EC : « Je chante donc j'écris », et pour cela, je décide de m'y mettre. Pendant longtemps, l'écriture a été pour moi un travail, comme d'ailleurs tout ce qui m'est imposé de quelque ordre que ce soit. J'ai une relation très difficile avec le travail. Dès que quelque chose ressemble à du travail, je le redoute. Je dois donc inventer tous les jours des moyens pour faire en sorte que rien ne ressemble à du travail, même si j'entreprends beaucoup de travaux. Je suis capable de repeindre une armoire pour ne pas répondre à un questionnaire que l'on m?a envoyé et je suis capable d'écrire une chanson pour ne pas rincer mes pinceaux. C'est sûrement mon gros problème puisque j'ai tendance à me disperser, même si je réalise beaucoup d'ouvrages.

D. : Tu n'as jamais écrit de musiques. Pourquoi ?
EC : J'ai écrit quelques musiques sur mes premières chansonnettes de 15 ans, elles ne m'ont jamais parues à la hauteur de mon ambition musicale. Je crois aussi que j'ai choisi de faire de la musique pour partager des émotions avec des musiciens. J'aime, de façon très distincte, la musique avec un grand M, et les musiciens avec un grand AIME. Pourquoi ne pas dire aussi les artistes avec un grand ART.

D. : Choisis-tu tes compositeurs ? De quelle manière ?
EC : Je les choisis d'une façon très subjective. On me le reproche, ils me le reprochent quelquefois, ils voudraient bien trouver une cohérence musicale dans mes choix quand elle est pour moi tout simplement humaine. Il me serait sûrement plus simple d'être auteur-compositeur-interprète, mais je m'ennuierais beaucoup.

D. : Alors, c'est d'abord la musique ou d'abord les textes ?
EC : C'est la chanson. C'est-à-dire une parfaite adéquation entre des mots et une musique. J'écris quelquefois sur des musiques qui m'ont séduites et quelquefois sur mon papier blanc avec une petite musique dans ma tête.

D. : La part d'humour dans tes chansons ?
EC : J'ai beaucoup de mal, même si je prends désormais mon « travail » très au sérieux à me prendre moi-même au sérieux. J'aime jouer avec l'image que je donne, la montrer belle pour mieux la casser. C'est une chose qui m'amuse beaucoup et j'aime beaucoup m'amuser.

D. : La part de sensualité ?
EC : Je ne sais que dire sur cela, c'est la partie qui doit pour moi rester mystérieuse. L'humour dont nous parlions a le tort de créer une distanciation vis-à-vis du public et vis-à-vis du propos lui-même, la sensualité doit rester brute, et je la laisse s'exprimer sans jamais la contrôler. Je ne me regarde jamais chanter. Je me contente de mon reflet dans le regard du public.

D. : Et la pudeur dans les sentiments ?
EC : Il n'y a rien de naturel à s'exhiber volontairement devant un public qui paie pour vous écouter. Cela provoque chez moi une réaction biologique qui produit mes deux carapaces : l'humour et la pudeur.

D. : Quelle distinction fais-tu entre chanson et poésie ?
EC : Aucune. Dommage qu'on ne puisse imaginer entendre un jour des vers sur une radio. La chanson est plus populaire parce qu'elle touche deux sens simultanément. L'un parfaitement intellectuel, et l'autre physique... Mais, il y a chanson et chanson.

D. : Comment choisis-tu les reprises que tu décides d'interpréter ?
EC : Quand je chante les chansons des autres, si en plus ce sont des chansons très connues, cela me repose, car je n'ai rien à prouver ni personne à convaincre, ce qui est la lutte quotidienne de chaque chanson originale.

D. : Sur scène, tu t'arranges toujours pour proposer des nouveautés. Quand ça n'est pas une nouvelle formation, c'est une autre chanson qui sort de nulle part. C'est un point fort. Pourquoi ce désir de se renouveler et toujours proposer une nouvelle facette de ta force d'expression ?
EC : C'est un devoir que je m'impose. Je ne conçois pas de porter deux jours de suite le même costume de scène. J'ai eu énormément de mal à me convaincre qu'un bon mot pouvait être redit le lendemain. Je dois chaque jour avancer d'une façon ou d'une autre.

D. : Que vas-tu nous proposer cette fois-ci ?
EC : Je n'en sais foutrement rien. Il va me falloir m'adapter à un contexte particulier ; je suis habituée à cette gymnastique. La nouveauté me fera elle-même la surprise.

D. : Tu as joué sept jours de suite au BILBOQUET en avril dernier. Jouer une semaine d'affilée dans un même lieu, c'est une performance. Cela ne te faisait donc pas peur ?
EC : C'était une gageure comme une autre. Je suis la reine de la gageure. D'aucuns me le reprochent. Je suis malgré tout aussi une laborieuse capable de me préparer et de me mettre en condition pour affronter les obstacles. Il y a vingt ans, j'aurais terminé une semaine pareille exténuée, aphone et probablement désespérée, j'ai appris à ménager ma voix, j'ai appris à dire que la fumée me gêne pour chanter, j'ai appris à choisir la musique et les musiciens qui correspondent à mes possibilités vocales, mais c'est pas gagné pour toujours.

D. : Ta carrière est déjà longue. Tu as sorti des disques signés sur des maisons de disques réputées. Combien ? Quel est ton préféré ? Pourquoi ?
EC : J'ai enregistré six albums. Mon préféré sera sûrement le prochain, quoique je sais par avance qu'il sera truffé d'imperfections et qu'il ne contiendra jamais la vérité universelle qu'on lui souhaiterait. Cette vérité-là est plutôt dans un moment fugace quand, sur scène, je vis une relation d'amour avec mon public.

D. : Il se trouve que tous ces disques sont épuisés. On peut les emprunter dans les médiathèques. Quel sentiment cela te procure-t-il ?
EC : La croquante arrogante que je suis te dira qu'elle se fiche de ne plus être dans les bacs des commerçants. La femme honnête que je suis te dira qu'elle éprouve une grande fierté à être dans les médiathèques. Et l'artiste humble et néanmoins attendrie te dira qu'elle est surtout heureuse d'être dans un petit coin de mémoire des personnes qui ont su aimer mes chansons. Ai-je jamais eu envie de plaire au plus grand nombre ? Je pense avoir prétendu choisir mon public, et je mérite mon sort. Je sais mal faire les choses qu'il conviendrait de faire pour parvenir à plaire, à séduire les vendeurs de musique...

D. : Le tout dernier, « Préliminaires », un cd 5 titres, est une auto-production. Pourquoi avoir choisi ces voies sinueuses et aléatoires de l'auto-production ?
EC : Je n'avais aucun autre choix possible que de faire les choses « à ma façon » et avec mes moyens.

D. : A sa sortie, et suite également à l'article paru dans JAZZMAN, tu t'es rendue compte que la France ne t'avait pas oubliée. Quel sentiment as-tu éprouvé alors ?
EC : La France est un bien grand mot. J'ai été très heureuse à cette occasion de recevoir des témoignages de personnes pour qui mes chansons comptent. Chaque disque envoyé, un par un, chaque lettre reçue, tout ça reste à dimension humaine et je ne sais pas si je saurais faire les choses autrement.

D. : Quel est, d'après toi, le rôle de la presse et des radios ?
EC : Ils ont tout pouvoir sur notre avenir, mais ils ne peuvent pas faire les chansons universelles à notre place. J'ai la chance d'être soutenue par une certaine presse et une certaine radio. A moi de leur proposer des chansons qu'ils pourront défendre facilement.

D. : Pourquoi cela n'est-il pas si simple ?
EC : Ca peut être très simple. La presse et la radio peuvent beaucoup pour des artistes dans notre genre. Pour ce qui est de toucher le jackpot, c'est d'un tout autre domaine. Et ce que propose la télévision non-culturelle n'a rien à voir avec nous. Si par une coïncidence invraisemblable, on me demandait demain de donner de précieux conseils à la Star Academy, ou si l'avion qui m'emmène demain en Roumanie était détourné et que je fasse la une des journaux télévisés, ma carrière reprendrait une tournure toute différente qui résoudrait peut-être mes problèmes financiers, mais pas mes doutes artistiques.

D. : A la lueur de ce succès d'estime, émanant d'un public fidèle et toujours aussi curieux, comment expliques-tu que les maisons de disques avec lesquelles tu as travaillées par le passé n'envisagent pas de rééditer ces anciens disques ?
EC : Ils ont d'autres chats à fouetter, et des problèmes à résoudre qui n'ont rien à voir avec moi. Je crois que les temps changent et le succès ne passe plus par la vente de disques.

D. : Tu ne sembles plus croire du tout aux maisons de disques. Pourquoi ?
EC : Je ne sais plus à quoi elles ressemblent. Il y a longtemps que je n'ai plus à faire aux maisons de disques. Rien ne me donne vraiment envie d'aller les solliciter. Je sais naturellement que l'on ne peut pas rester isolé et je rêverais bien sûr de rencontrer les bons partenaires qui pourraient m'aider pour tout cet aspect commercial de mon métier, car j'y suis très mauvaise.

D. : Eprouves-tu du ressentiment ?
EC : Même pas. J'ai toujours beaucoup d'espoir dans des nouvelles rencontres. Je me suis fait depuis très longtemps comme règle de vie numéro un de ne pas avoir de regrets et de faire chaque jour de telle sorte que je n'aie rien à regretter. Je suis donc résolument naïve et pleine d'espoir pour les jours à venir.

D. : Tu as monté, avec Thierry DUVAL, ton associé, ta propre association « A ma façon » (ton cd est donc disponible par correspondance). Quel rôle important a-t-il joué dans ta détermination de « revenir » ? Monter au front ? Parle-nous de lui.
EC : Je lui dois beaucoup. C'est lui qui m'a donné l'impulsion de départ nécessaire à ma remise en route. J'étais à l'arrêt et incapable de savoir par quel bout commencer. Il m'a aidée par ses conseils à repartir et à aller de l'avant. Il faut, tu le sais, une énergie considérable pour trouver chaque jour le courage d'avancer, surtout quand on a la prétention, j'y reviens, de défricher devant soi et de découvrir des choses nouvelles. C'est tellement plus facile quand on est sur un rail de se laisser porter par un mouvement qui naturellement suit un chemin rectiligne.

D. : Aimes-tu ta liberté d'artiste ?
EC : Un jour, j'ai compris que j'étais libre d?être et de devenir ce que bon me semblait. L'art a été un des moyens pour moi d'accéder à cette prise de conscience. J'ai fait ce choix de vivre ma liberté d'artiste et de femme, et chaque jour, je mesure la chance que j'ai. C'est pourquoi j'ai envie de partager ce bonheur avec les personnes qui me font le plaisir de venir vers moi.

D. : Il y eut « Préliminaires ». Envisages-tu de sortir un nouveau disque ?
EC : Je l'envisage. Je ne sais honnêtement pas quoi en dire de plus pour l'instant. Je ne sais pas de quoi demain sera fait.

D. : Que penses-tu de l'état de la chanson française ?
EC : J'ai l'impression qu'elle se porte bien. On dit « chanson française » quand on parlait avant de variété, ça prouve qu'elle existe. Les français ont perdu le complexe qu'ils avaient vis-à-vis des américains et ne trouvent plus ringard de chanter en français.

D. : Quelle est, d'après toi, la meilleure façon pour les artistes de s'en sortir actuellement ?
EC : Si je le savais...

D. : L'industrie du disque semble tellement plongée dans le chaos, comment envisages-tu l'avenir ?
EC : Je ne me préoccupe pas de ces choses. J'ai sûrement tort.

D. : Que font les gens ? Ont-ils un rôle à jouer dans notre aventure ? Quelles attitudes le public français devrait-il, selon toi, adopter s'il désire continuer d'avoir une chanson variée et de qualité ?
EC : Je trouve le public parfait dans son rôle. J'ai vu des hommes et des femmes venir à moi et partager beaucoup avec moi. Sans eux, je n'existe pas. Je leur fais énormément confiance. Quelquefois, ils parviennent même à nous voir bons quand nous avons été mauvais, et cela nous donne du courage pour nous améliorer. J'aime les personnes qui m'aiment. Je pourrais inviter chez moi chacune d'elles et entretenir une correspondance avec chacune d'elles. Je garde précieusement les courriers que l'on m'envoie pour les relire dans mes vieux jours.

D. : Tu sors énormément et te lies avec beaucoup d'artistes. C'est une attitude qui nous a d'ailleurs rapprochées. Pourquoi ce besoin de contacts ? En quoi est-ce si vital actuellement ?
EC : Je me force... (rires). Oui, je me force un peu à sortir, et aller à la rencontre. Je crois que la tendance naturelle de l'homme « normal » est de rester dans ses confortables pantoufles, dans son confortable canapé. Nous qui prétendons ne pas être dans la norme nous devons nous aiguillonner régulièrement pour aller à la rencontre des autres.

D. : NOUGARO était un maître. N'y a-t-il plus de maîtres ?
EC : Je voudrais bien être une maîtresse. Je le suis paraît-il pour quelques uns et quelques unes. Je peux le dire maintenant que l'âge me gagne.

D. : Tu étais proche de Claude NOUGARO. Quel fût ton lien avec lui ?
EC : Non, nous n'étions pas proches, je l'ai rencontré à plusieurs reprises. Il me connaissait et quand la chanteuse que je suis rêvait de rencontres au sommet avec lui, la femme que je suis mettait toute la distance qu'elle jugeait nécessaire de maintenir. Tu me suis ?

D. : On m'a passé un disque de lui « L'enfant phare ». Connais-tu la chanson « Beaucoup de vent ». Ecoute et qu'en penses-tu ?
EC : Ma première réaction, c'est que je trouve la musique compliquée. Ma deuxième réaction : j'aime qu'il parle du vent. J'aime toujours la façon qu'il a de faire sonner les mots. Ma troisième réaction : je compte que c'est une chanson en cinq temps, et je pense que c'est une complication inutile. Et je pense à lui sur la fin de sa vie, avec émotion. A la difficulté qu'il a dû connaître de vivre sa musique.

D. : Tu as eu de nombreuses collaborations extérieures. Quelles ont été, pour toi, les plus marquantes ?
EC : Je ne peux pas citer de personnes marquantes. Je conçois la musique un peu comme une famille, et je pourrais difficilement faire de la musique avec quelqu'un que je n'aime pas. C'est sûrement un tort. Ce n'est pas très professionnel.

D. : La dernière aventure, à laquelle j'ai assisté, était avec Aldo ROMANO, qui t'avait invitée dans sa carte blanche au DUKE DES LOMBARDS. Tu as chanté une merveilleuse chanson, totalement inédite pour l'occasion, sur une musique d'Aldo, « Mickey quelque chose ». Peux-tu nous parler d'elle ?
EC : Aldo m'a invitée à jouer avec deux brillants jazzmen dont la France s'enorgueillit ? Baptiste TROTTIGNON et Rémi VIGNOLO ? ce qui a été un grand honneur pour moi. Je ne voulais pas me contenter de ma petite interprétation d'un standard. J'ai donc écrit des paroles sur un thème qu'Aldo a écrit en hommage à Mickey GRAILLIER ? « Paradise for Mickey ». Et j'ai imaginé Mickey serein dans la mort. « Je suis là si bien, si calme... », je paraphrase VERLAINE quand il écrit de la prison.

D. : Quel sentiment t'a procuré cette expérience avec Aldo ?
EC :   « Expérience avec Aldo : fait ! » ( rires). J'étais fière.

D. : Mais, revenons un peu sur ton passé musical. Tout d'abord, d'où viens-tu et quelle fût ta formation ?
EC : J'ai toujours chanté. J'ai appris à chanter au Conservatoire, mais c'était il y a si longtemps. Pourtant, j'ai l?impression que c'était hier, car je me souviens précisément de toutes mes leçons d'autant que j'enseigne maintenant.

D. : Quand as-tu commencé et dans quelles conditions ?
EC : On m'a collée sur une scène quand j'avais sept ans. Et faut croire que j'y ai pris goût. Après, je n'ai jamais raté une occasion de me produire. J'ai fait du théâtre longtemps.

D. : Ca a commencé très fort, un premier album vendu à 50.000 exemplaires en 1985. Que s'est-il passé ensuite ?
EC : Pourquoi toujours parler du passé, Pascale ?
D. : Tout à fait mon genre...

D. : Comment expliques-tu que cet essor se soit quelque peu stoppé ? Parles-nous de tes deux enfants ?
EC : Ils sont grands maintenant...

D. : Te sens-tu « mère » dans ton rapport avec les autres ?
EC : J'ai cette fâcheuse tendance, dont j'espère me débarrasser petit à petit.

D. : Comme on me pose parfois la question, peux-tu nous dire comment nous nous sommes rencontrées ?
EC : Tu es venue m'écouter chanter à Auvers-sur-Oise. Et j'ai tout de suite su que, comme moi, tu étais le genre de personnes à faire toujours la « fermeture ».
D. : C'est quoi la fermeture ?
EC : Ceux qui font toujours la fermeture savent de quoi je parle. Que les autres rentrent sagement chez eux, comme d'habitude.

D. : Qu'est-ce qui t'as fait garder un lien avec moi ?
EC : Ta ténacité.

D. : Quand j'en ai eu la possibilité, je t'ai invitée sur les soirées « Les autres vendredis » que j'organisais (avec JP EFFE de SERENADES PRODUCTION) dans un restaurant du 18ème arrondissement. Tu es venue voir, et tu as accepté de venir chanter. Pourquoi ?
EC : Quelle question ?
D. : D'autres ont refusé...
EC : J'accepte toujours de chanter. Et puis, souviens-toi, c'était la veille du 1er mai. Et il y avait plein de muguet dans mon jardin. Autant de brins emballés avec amour que de personnes présentes dans la salle. J'ai préparé les petits bouquets en faisant mes vocalises.

D. : Etais-tu sensible à l'esprit de ces soirées ? Qu'avaient-elles de spécial ?
EC : J'ai rarement vu un public aussi bien disposé... par ton oeuvre !

D. : Nous avons chanté plusieurs fois ensemble, le temps d'un duo. D'abord sur « La dame blanche », une de mes chansons. Pourquoi as-tu accepté de chanter avec moi sur cette chanson ?
EC : Parce que tu me l'as demandé.

D. : A l'été 2004, nous avons passé quelques jours de vacances ensemble. Un soir où nous étions particulièrement inspirées, nous avons commencé une improvisation qui devait devenir plus tard notre duo le plus fameux « Les sirènes », chanson que nous avons chantée ensemble en novembre dernier, et que les gens ont adorée. Lancinante à souhait, mêlant ton univers de mots au mien, tu ne sembles cependant pas l'aimer beaucoup en l'état. Que lui reproches-tu donc ?
EC : Je ne suis pas très à l'aise sur ce morceau en l'état. Je voudrais trouver le temps d'y retravailler pour y trouver mieux ma place.

D. : J'ai inclus cette chanson dans mon tout nouvel opus « Sur la route d'Orphée ». Je viens de terminer la maquette guitare-voix de ce projet que j'ai enregistré seule, avec l'aide de Christophe JOUANNO. Tu es la seule à avoir lu la trame de cette histoire qui relate le mythe d'Orphée et de son amour pour Eurydice. Qu'as-tu pensé de ce livret ?
EC : J'ai trouvé que c'était très beau. Je t'admire pour être capable d'écrire des oeuvres d'une telle portée, culturelle et si sensible à la fois, moi qui fais dans la chansonnette...

D. : Ce projet, pour être abouti, appelle plusieurs voix. S'il venait à naître de façon un peu officielle, voudras-tu en faire partie avec « Les sirènes » ?
EC : Bien sûr.

D. : J'ai appris hier que la chorégraphe allemande Pina BAUSCH allait donner une série de spectacles à l'Opéra Garnier (il reste encore des places, dépêchez-vous). Nom de cette nouvelle oeuvre de Pina : « Orphée-Eurydice ». Que penses-tu de cette coïncidence ?
EC : J'espère qu'elle te sera favorable.

D. : J'avais sorti en juin 2004 un recueil de poèmes, en couleur et édition papier limité, intitulé « Le journal des poèmes ? Cahier I ». Tu as choisi de présenter certains de ces poèmes à ton atelier d'écriture. Quels étaient-ils ? et quelle fût la réaction de ton groupe ?
EC : Chacun de nous devait présenter un auteur. En te choisissant toi, femme, vivante, et très productive dans des domaines très différents, je savais que j'allais attirer leur curiosité et les encourager, surtout les femmes, à produire et aller de l'avant dans leur créativité.

D. : Pourquoi te promènes-tu avec un diapason dans ta voiture ?
EC : Parce que je chante dans ma voiture, et qu'il est indispensable de savoir où est le « la ».

D. : Quand et comment travailles-tu ta voix ?
EC : Dans ma voiture, sous ma douche, toute la journée, mais surtout que ça ne ressemble pas à du travail.

D. : Tu as fait quelques masterclass et conduit récemment un stage de chant. C'est quelque chose de nouveau, ce rôle de professeur. Comment vis-tu ces expériences et quel est alors le but que tu cherches à atteindre pour tes élèves ?
EC : J'ai ressenti une extrême solitude dans ma démarche de chanteuse et je comprends maintenant que l'on a des choses à transmettre et à partager avec ceux qui ont envie de chanter.

D. : Tu m'as dit que sur scène, tu peux prévoir à tout moment l'émotion que tu vas produire. Pour ma part, je suis plutôt fana de l'accident et de la patte aléatoire, imprévisible, voire carrément « céleste », qui prendra possession de moi, des gens et de l'instant, et ne sais absolument pas où l'émotion va saisir le public. Tu sembles mieux maîtriser la chose. Expliques-moi ta méthode.
EC : J'aime avoir le contrôle total de la situation. C'est dans ce sens-là que je travaille, même si je n'y parviens, évidemment, pas toujours. Peut-être mon approche du théâtre où tout est prévu. Peut-être une forme de pudeur où certaines limites sont posées. Sache, chère Pascale, que ce qui me plaît chez toi, c'est justement toutes nos différences.

D. : Tu m'as dit un jour que tu croyais à la grâce. Qu'entendais-tu par là ?
EC : Avais-je bu ? (rires). Je crois à des moments d'osmose avec les musiciens et le public qui peuvent ressembler à quelque chose qu'on appellerait la grâce. Tu sais que je suis touchée par « la grâce mâtinée »...

D. : Tu crois à la grâce, mais tu ne sembles pas croire en Dieu. N'y a-t-il pas de contradiction ?
EC : Je crois en la grâce humaine. Pour ce qui est de la grâce divine, elle ne m'a pas encore touchée.

D. : Peux-tu nous dire ce que tu cherches à atteindre sur scène ? A donner ?
EC : Je m'interroge peu rétroactivement sur ce qui se passe sur scène. Je préfère ne pas trop y réfléchir. Ca me paraît louche.

D. : Un jour que tu échangeais des propos avec Elise CARON qui sortait de scène, tu as dit que pour toi, le plus important (et aussi le plus difficile) était d'être un phare pour le public. Qu'entendais-tu par là ?
EC : Lui apporter quelque lumière.

D. : Etant deux chanteuses à « déjà longue carrière », et background peu ou prou semblable, que penses-tu de la voie qu'a Elise ?
EC : Nous avons des similitudes, même dans nos noms. Sais-tu qu'il y a une chanteuse de jazz qui s'appelle Elisabeth KONTOMANOU ? Et un chanteur qui s'appelle Dominique CAUMONT ? La vie est drôlement faite, n'est-ce pas ?

D. : Que contient le mot expérience ?
EC : Ex- : toute mon histoire passée. -Pères, tout ce que j'ai appris de mes pères et de mes pairs. ?ri- : parce qu'il faut bien rigoler un peu. ?ence pour relier tout ça.

D. : Quand tu chantes Gabriel FAURE sur scène, te sens-tu lyrique ?
EC : Je ne sais pas ce que ça veut dire lyrique. Il y a une histoire de lyre. Ca me dit vaguement quelque chose. J'ai quitté le Conservatoire pour ne pas faire du chant lyrique.

D. : Que penses-tu des artistes femmes ? Qu'apportent-elles de différent ?
EC : Je les trouve particulièrement courageuses. Je ne sais pas ce qu'elles apportent de différent. C'est différent, c'est tout.

D. : C'est quoi, d'ailleurs, pour toi, un artiste ?
EC : C'est quelqu'un qui doute tous les jours et qui se remet en question tous les jours.

D. : Ta beauté physique a-t-elle servi ta carrière de chanteuse ?
EC : Elle a fait jaser.

D. : Comment interprètes-tu cette question dans ma bouche ?
EC : Tu m'obliges à revenir sur la question alors que je voulais passer rapidement à autre chose : voilà ma réponse : bien, je l'interprète bien ! (rires).

D. : Te sens-tu plutôt sorcière ou sirène ?
EC : Sorcière ou sirène, pour moi, c'est pareil. Quand j'hésite entre fée et sorcière, je choisis toujours sorcière.

D. : Je nous ai longtemps crues toi et moi reliées par quelques pouvoirs médiumniques. Qu'en est-il exactement et crois-tu aux pouvoirs magiques ?
EC : Quelle déception cela a dû être pour toi, Pascale ! Je n'ai malheureusement pas beaucoup de temps à perdre pour m'amuser de ces choses. Je crois juste que nous ne connaissons pas tous les modes de fonctionnement du monde.

D. : Ca a certainement dû t'arriver... Ca fait quoi d'être une muse ?
EC : Ca m'amuse.
D. : Trop facile...
EC : Je ne crois pas aux mythes. Je vois juste les ravages des mites.

D. : J'aimerais bien faire des photos N & B de toi (j'ai commencé une série de portraits). Je sais que tu n'aimes pas être prise en photo, mais accepteras-tu de te livrer à cet autre exercice ?
EC : As-tu encore beaucoup de questions personnelles de cet ordre, Pascale ? Et puis pourquoi y mêler tout le net ? Ma réponse : bien sûr, je ne peux rien te refuser, tu le sais.

D. : Tu as passé un week-end à Lisbonne. Pourquoi avoir choisi cette destination et qu'as-tu pensé de cette ville ? Quelle est l'image la plus forte ?
EC : C'était un week-end d'amoureux. Je savais que tout là-bas plairait à mon amoureux. L'image la plus forte : le musée des Azulejos, avec son patio luxuriant.

D. : Tu pars dans trois jours donner un concert en Roumanie. Quelle impression cela te fait-il ?
EC : Pour l'instant, je fais comme si de rien était, mais je sais que dès que j'arriverai là-bas, j'aurais les yeux, les oreilles et les narines écarquillées, et que je me servirai de tout ce que j'aurai perçu pour tenter de communiquer avec le public qui ne comprendra pas ma langue.

D. : Quel est ton rêve de bonheur ?
EC : Une chanson réussie, quelques droits d'auteur pour mes enfants, quelques années devant moi. C'est tout.

Portrait de la chanteuse Elisabeth CAUMONT par Pascale Jeanne MORISSEAU réalisé à Paris le 16 mai 2005.