« Chemin de brumes » : les personnages vus par le réalisateur

Nous avons présenté hier, le film « Chemin des brumes», tourné dans les
monts-d'Arrée. Voici un portrait des différents personnages, connus
dans la région, et fait par le réalisateur.

Marie-France Lagadec et son fameux kig ha farz. « Marie-France tient le
café de la Croix cassée, sur la route qui mène au mont Saint-Michel de
Brasparts. Avec moi, elle était un peu méfiante au départ. J'ai
découvert sa véritable personnalité lorsqu'elle m'a fait goûter son kig
ha farz. Pour rien au monde, elle ne dévoilerait sa recette qu'elle
peaufine depuis 20 ans. Même Chirac, un jour, a demandé à manger son
fameux plat, mais elle n'en parle pas dans le film ».

Jean Uguen et son pendule. « Jean Uguen était autrefois ouvrier
agricole mais il est aujourd'hui à la retraite. Il s'est découvert une
passion : la radiesthésie. Son rôle, c'est de dévier les ondes
négatives. Très connu dans le monde agricole, son jugement y est
respecté. Dans le film, un producteur de porcs lui demande de venir sur
place constater un curieux phénomène : ses animaux sont secoués de
tremblements, comme si quelque chose les dérangeait. Plusieurs meurent
sans raison apparente. En redonnant sa place à un menhir planté là il y
a longtemps, Jean Uguen parviendra à détourner les mauvaises ondes et à
neutraliser le phénomène.

Sceptique, j'aurai pu le prendre pour un rigolo mais la façon dont il
exerce m'est apparue extraordinaire. Je prends le parti de ne pas
donner de point de vue. C'est quelqu'un qui m'a beaucoup touché. Il a
apporté une sorte d'étrangeté au film ».

Youen Gwernig, le poète sculpteur. « Son visage m'a profondément ému.
Agé, il a perdu de sa mobilité et ne sculpte plus. C'est dommage car
son travail est magnifique. Quelque part, au fond de son jardin, son
atelier recèle des pièces de toute beauté taillées dans le chêne ou le
hêtre. Des oeuvres superbes livrées à la poussière et au temps qui
passe. Ses textes sont également très touchants. « Héritage », son
recueil de poèmes, écrit trois mois avant mon passage, n'a toujours pas
été édité. J'ai eu la chance d'être l'un de ses premiers lecteurs. Je
l'ai vu ce matin à Douarnenez. Hélas, il a perdu la mémoire ».



Henry, le vieil ardoisier. « Pendant 52 ans, Henry a travaillé à la
carrière de Commana avec son frère. Il n'a jamais connu d'autres
horizons. Son boulot, c'était de fendre les ardoises. Il en a fendu des
milliers de tonnes, patiemment, tant et si bien que son regard semble
avoir pris le bleu profond de ses ardoises ».



Ruan, le sculpteur argentin. « Ruan est un artiste argentin qui s'est
installé à la Ferme des artisans. Ses paroles, rares, étaient toujours
fulgurantes. Sa spécialité ? Des statuettes en forme de korrigans. Je
lui ai amené une image de Youen, le sculpteur. Je voulais le voir
réaliser un visage en direct, pour le film. Il a accédé à cette demande
et c'était très beau ».



Avec Cisco l'ardoisier, la relève est assurée. « Ardoisier de Commana,
il a pris la relève d'Henry. Cette transmission s'est faite lentement.
Cisco venait voir Henry travailler, sans rien dire, en observant juste
les gestes de son aîné. Désormais, c'est Henry qui vient le voir à
l'ardoisière. Il y retourne à pied en partant de sa maison, comme pour
un pèlerinage. Histoire de retrouver ceux qu'il a tant aimés... ».



Cécile et les plantes médicinales. « Originaire de Brest, Cécile a fait
des études littéraires. Elle est devenue arboriste par amour des
plantes. Elle vit seule avec trois chiens et dit qu'elle préfère les
paysages aux gens mais je ne la crois pas vraiment. Je la considère
aujourd'hui comme une vraie amie. Elle défend l'idée que nous n'avons
pas besoin de racines et c'est peut-être la vraie question du film ».


Un film qui soulève les montagnes d'Arrée

Jean Philippe Quignon

La brume couvre la lande et entretient le mystère lorsque Xavier
Liébard arpente pour la première fois, à l'aube de l'hiver 1998, les
monts usés de l'Arrée et ses sentiers escarpés.

D'emblée, sous les bourrasques, le réalisateur est saisi par
l'étrangeté des paysages qui transcendent son imaginaire. Le décor est
planté, « très cinématographique, avec une vraie force ». Le sujet
s'impose naturellement, à partir d'une question lancinante qui intrigue
et va guider l'auteur : « quelles raisons obscures poussent les gens à
s'installer ici ? »


Filmé comme un road movie

Le curieux rapport que l'homme entretient avec le paysage devient ainsi
le fil conducteur d'une oeuvre attachante, filmée à la manière d'un
road movie. Six personnages, en sont les étoiles. Tous, de la
bistrotière Marie-France Lagadec à Henry, le vieil ardoisier, nous
racontent leur vie, leurs tracas, leurs petits bonheurs de rien. Avec
la simplicité des gens de peu. Sur le ton du récit intime. « A travers
leurs histoires, leurs déplacements dans les landes, ils nous brossent
une forme de territoire secret, un paysage intérieur mille fois
redessiné. Peut-être nous aideront-ils à connaître et à aimer nos
propres paysages intérieurs ? », écrit joliment Xavier Liébard dans le
synopsis de son documentaire de 52 minutes.



Du temps pour gagner la confiance

Pourtant, son « Chemin des brumes» aura parfois été bien cahoteux.

Gagner la confiance de ses interlocuteurs et faire tomber leurs
préjugés aura constitué, sans nul doute, l'une de ses principales
satisfactions. « Avec ma voiture immatriculée en 75, ce n'était pas
évident. Les gens étaient méfiants. Les conversations s'arrêtaient
lorsque je poussais la porte des cafés... ».



Pour y parvenir, Xavier Liébard se sera accordé le luxe du temps.
Quatre mois de repérage au total. Sans l'agression de la caméra. Avec,
surtout, la promesse implicite de ne pas trahir ses personnages. Un
contrat moral respecté à la lettre, comme le confirmeront les
principaux intéressés en visionnant les images de ce documentaire
intègre.

Le couac de TV Breizh

Les téléspectateurs de TV Breizh n'auront, hélas, pas cette chance.

Coproductrice du film, la chaîne câblée a finalement refusé la version
finale du réalisateur. « Ils l'ont trouvée trop longue et trop
intimiste. Ils espéraient sans doute un loft story dans les monts
d'Arrée », ironise Xavier. Sans rancune, d'autant que TV Breiz a honoré
son engagement financier, le réalisateur se félicite surtout de
l'accueil fait à son « Chemin de brumes» lors des premières
projections, en novembre dernier, à Huelgoat et Commana.

Informés des déboires de l'auteur avec TV Breizh, les habitants ont
décidé d'organiser plusieurs projections de soutien.

L'hommage des « montagnards »

L'une d'entre-elles a réuni une soixantaine de personnes, lundi soir, à
la Salamandre. Plus de 500 spectateurs ont d'ores et déjà vu et aimé ce
joli carnet de voyage en images. Le mot fin est encore loin d'être
écrit sur l'écran. « Le Chemin de brumes» devrait désormais poursuivre
son parcours dans les festivals de documentaires. Xavier Liébard espère
également convaincre France 3. « Même si ce film m'a coûté très cher et
que je suis contraint de donner des cours pour joindre les deux bouts,
je ne regrette et ne renie rien. A la fin de la projection
morlaisienne, une femme âgée m'est tombée dans les bras, en pleurs, en
me remerciant d'avoir filmé ainsi les monts d'Arrée. Je ne pouvais
espérer un plus bel hommage ».


Xavier Liébard, réalisateur du « Chemin de brumes». « Tous les
personnages que j'ai filmé ont un rapport marquant aux monts d'Arrée.
Ils ont choisi délibérément de rester là, malgré la rudesse du paysage
et sa pauvreté apparente ».



mardi 27 avril 2004

Chateaulin Carhaix

Les monts d'Arrée gardent leur vérité

Mais où commencent les monts d'Arrée et où finissent-ils ? Cette double
question est restée sans réponse précise, dimanche soir, à l'Agora. Ce
qui est sûr, c'est qu'ils existent ! Les 52 minutes de projection du
documentaire « Le chemin des brumes » produit par Xavier Liébard l'ont
confirmé aux quelque 130 spectateurs du bassin de l'Aulne et des monts
d'Arrée.

C'est bien un coup de foudre qui a saisi le jeune cinéaste Xavier
Liebard d'origine nantaise, via 10 ans de vie parisienne. Sa découverte
des monts d'Arrée autour du Yeun Ellez, il y a quatre ans, l'a fasciné.
Caméra numérique au poing, il a décidé de fouiller dans les moindres
recoins du passé et du présent de cinq personnages ancrés aux paysages
de landes, de pierres et d'eau... Des paysages qui remontent aux
sources du temps et de la vie.

« Trop nostalgique... trop de soleil... trop peu d'enfants... », a
estimé la chaîne TV Breizh co-productrice du documentaire.


Quoi qu'il en soit, Xavier Liebard a décidé de faire la promotion de
son « chemin des brumes», encouragé par les cinq personnages et les
amis qu'il a conquis dans les monts d'Arrée.

Les brumes collent aux yeux

De toute évidence, les brumes tenaces des monts d'Arrée collent aux
yeux du cinéaste parisien au début de son tournage en 2001. Mais
derrière ces brumes, il va découvrir des paysages qui vont l'éblouir,
des personnages qui vont le posséder. Dès lors Xavier Liebard ne va pas
bouder son plaisir.



Cécile, l'herboriste sans racines, Henri au coeur d'ardoise, Jean le
radiesthésiste autodidacte, Youenn le sculpteur-chanteur à la voix
caverneuse et Marie-France à l'auberge de la Croix-Cassée lui
expliquent naturellement leur vraie raison de vivre au coeur des monts
d'Arrée. Bonheur simple assuré : les brumes se sont dissipées.

Racines flottantes ou pivotantes ?

« Faut-il y être né ou peut-on y prendre racine en venant d'ailleurs »,
a interrogé le cinéaste parisien, samedi soir, à l'Agora. Chuchotement
à peine perceptible dans la salle... « Pas plus, pas moins qu'ailleurs
! » Il est vrai que dans le film aucun des personnages n'a
ostensiblement revendiqué quelque propriété des monts d'Arrée.


Cécile, l'herboriste, ne s'est reconnu que des racines flottantes, le
temps d'un passage... Mais qui sait ?

D'autres comme Youenn, Henri, ont montré des racines pivotantes très
profondes jusqu'au coeur de pierre, de bois et d'eau des monts d'Arrée.
Toute leur vie et celle de leurs parents s'en sont nourries.


Xavier Liebard a accepté d'échanger avec les spectateurs de l'Agora à
l'issue de la projection de son documentaire sur les monts d'Arrée.

mardi 27 avril 2004

Le vrai paie-t-il encore ?

A en croire le cinéaste Xavier Liebard, le vrai ne paie plus. Engagé
depuis trois ans sur « Le chemin des brumes» en coproduction avec la
chaîne TV Breizh, le réalisateur a de quoi être déçu. Son documentaire
tel quel, n'a pas convaincu la chaîne bretonne. « Trop triste, trop
nostalgique, trop peu d'enfants... trop peu de soleil ». Bref, trop
vrai pour être diffusé.



Contraint par la chaîne de produire une seconde version baptisée « Le
pays d'Arrée », avec voix off de commande, le réalisateur a refusé de
signer.



Coûte que coûte, Xavier Liebard veut défendre sa version originale, la
seule qui, à ses yeux et à son coeur, témoigne de l'authenticité du
pays des monts d'Arrée, de ses femmes et de ses femmes, jeunes et moins
jeunes. Il a été sincèrement conquis, il ne trahira pas la confiance
des cinq personnages du documentaire ni celle de tous les amis qu'il
s'est fait dans les monts d'Arrée. Après Botmeur, Brasparts, Commana,
Châteaulin et Morlaix, c'est à Landerneau qu'il présentera son
documentaire, toujours le vrai, ce soir, à 21 h, au café des Arts.

Mardi 20 avril 2004

Journal Ouest-France du mardi 20 avril 2004

Ciné : soutien au Chemin des brumes

Xavier Liébard, le réalisateur du Chemin des Brumes, long métrage
documentaire tourné dans les monts d'Arrée, présentera son film au
public lors de cinq projections exceptionnelles.

Lâché par la chaîne TV Breizh, co-producteur du Chemin des brumes,
qu'elle juge trop intimiste, le réalisateur Xavier Liébard peut compter
sur le soutien de ceux qui ont contribué au tournage. Enthousiasmés par
cette vision authentique des Monts d'Arrée, le P'tit Zeize, les Moulins
de Kerouat, Addès et deux salles d'art et essai, l'Agora de Châteaulin
et la Salamandre de Morlaix, proposent cinq projections,
exceptionnelles, d'un documentaire original.



Le Chemindes Brumesdresse les portraits, tournés en automne, de cinq
personnes qui ont choisi de vivre dans les Monts d'Arrée, entretenant
des rapports étroits avec le paysage si particulier de landes, de
pierres et d'eau : Marie-France Lagadec, gérante de la Croix-Cassée, un
café pas comme les autres ; Jean Uguen, ancien ouvrier agricole devenu
radiesthésiste ; Youenn Gwernig, sculpteur, chanteur, écrivain, ami de
Kerouac ; Cécile, l'herboriste, qui a choisi de fuir le monde ; Henri,
le vieil ardoisier, au regard aussi bleu et profond que du schiste... «
tous portent dans leur singularité leur part d'universel ».

En accord total

Cinquième de ses documentaires, le Chemin des brumes est la plus
personnelle des oeuvres du réalisateur nantais Xavier Liébard, 35 ans,
qui, seul au montage, y a consacré énormément de temps et de travail. «
Trois ans sur un film, c'est particulièrement long,souligne Xavier
Liébard, qui a passé quatre mois sur le terrain, « à apprivoiser des
personnes difficiles d'accès ».Au final, le cinéaste estime avoir reçu
« la meilleure des récompenses »: « le film est vrai, en accord total
avec les gens des Monts d'Arrée, qui s'y sont reconnus ».Co-producteur
du film, la chaîne TV Breizh, par contre, n'a pas caché sa déception :
« Ils ont refusé ma vision des Monts d'Arrée, jugée atypique, lente,
triste ! Ils attendaient plutôt une carte postale, pleine de soleil et
d'enfants... »Xavier Liébard a donc dû produire pour la chaîne une
seconde version, intitulée « Le pays d'Arrée », avec voix off de
commande, et que j'ai refusé de signer.

Parallèlement, il peaufine « sa » version, encore inédite, du Chemindes
Brumes, qui, projeté récemment en petit comité à Huelgoat, a remporté
l'adhésion des spectateurs-acteurs : « Certaines scènes sont très
émouvantes, elles vont droit au coeur des gens »,commente Chantal
Geniez, du P'tit Seize. « Surtout, avec de magnifiques images
d'automne, le film retransmet fidèlement les Monts d'Arrée, la terre,
les habitants »,ajoute Dominique Louandre de l'association Addès. Avec
Jean-Pierre Cloarec, des Moulins de Kerouat, et deux salles d'art et
essai, les deux associations organisent donc des projections
exceptionnelles de soutien, en présence du réalisateur : « L'intérêt
suscité pourrait dès lors accélérer la diffusion du film à la
télévision, à destination du grand public ».Ou lui ouvrir les portes de
festivals de cinéma.

Cinq projections en présence du réalisateur

Botmeur : vendredi 23 avril, départ d'une rando-ciné à 20 h sur le
parking de l'école. Projection dans un hangar agricole, rens. 02 98 99
66 58. Brasparts : samedi 24 avril, à 21 h 03 précises au cabaret
Fantôme rue Saint-Michel, rens. 02 98 99 61 85. Commana : dimanche 25,
à 15 h 30 aux Moulins de Kérouat, rens. 02 98 68 87 76. Châteaulin :
dimanche 25 à 20 h 45, au cinéma Agora, rens. 02 98 86 28 04. Entrée
libre, dans la limite des places disponibles. Morlaix : dimanche 26
avril, à 18 h 15, à La Salamandre, rens. 02 98 62 15 14.

Frédérique GUIZIOU.


« Le chemin des brumes » ou la découverte d'un univers
Ce sont quatre associations des monts d'Arrée, les Moulins de Kérouat,
le Ptit Seize, la Compagnie Fantôme et Addes qui s'associent pour que
vive le film de Xavier Liébard « Le chemin des brumes».

Le créativité et le don de soi

En effet, un documentaire ou un film qui n'est pas projeté, n'a pas de
vie et c'est tuer dans l'oeuf tout le travail, toute la recherche,
toute la créativité, le don de soi du réalisateur mis dans son oeuvre,
qui sont jetés aux oubliettes.

Xavier Liébard, avant de débuter la projection, a expliqué l'émotion
qui étreint le réalisateur qui présente son film. Emotion d'autant plus
grande que ce projet, dans la forme que nous avons vu, s'est trouvé
rejeté par des instances télévisuelles dénuées de sensibilité,
préférant le spectaculaire des « télés réalités » à la vie tout
simplement avec son rythme vrai où chaque sensation à sa place.

Xavier Liébard rencontre, c'est certain, des difficultés pour la
diffusion de son film, ce n'est qu'un épisode de l'ensemble.
La première, un petit budget, la seconde le choix de cette région les
monts d'Arrée qui fait preuve d'une austérité apparente de cette
contrée, l'accueil difficile des habitants. Tous ces murs ont été
franchis haut la main par Xavier Liébard qui a réussi un pari
extraordinaire, celui de restituer l'essentiel des âmes de ces lieux.
Cette communion unique qui unit l'au-delà, le ciel, la terre, les
éléments, les êtres.